Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rechercher

Accéder à toutes les espèces

10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 16:19

Carnet de voyage - Burundi

Partie 7 et fin

 

 

Le Nord

Une excursion dans le nord du pays à Busiga, non loin d’Ngozi pour rechercher quelques synergies possibles avec d’autres ateliers de transformation agro-alimentaire, m’a permis de comparer un peu la campagne du nord à la campagne de Giheta dont je connais les collines et les gens. Les discussions avec des frères ayant vécu dans les deux endroits m’ont permis d’apercevoir plus globalement le monde rural burundais. Typologiquement, la campagne du nord est plus verte, la température plus douce, le paysage moins vallonné et plus ouvert, organisé en plateaux immenses et vallées profondes, les paysages sont plus grandioses et moins variés qu’à Giheta. Mais ce sont les gens de cette campagne du nord qui ont attiré mon attention, c’était la première fois que je voyais un homme travailler dans les champs, à Giheta c’est un travail exclusivement de femmes, d’ailleurs ici les parcelles étaient plus grandes, mieux organisées, mieux irriguées ; les femmes continuaient leur labeur sans se distraire alors que je me promenais dans les marais ; tandis que là où je vis, elles posent la houe, s’amusent de ma présence, échangent quelques mots de bienvenus. Puis dans les villes, particulièrement Ngozi, les citadins sont afférés, ils transportent du matériel, travaillent, discutent, commercent fougueusement, courent, marchent, appellent, rient à pleine gorge… mais ce n’est pas l’allure penaude de Gitega, où la plupart des regards sont égarés, les déambulations nonchalantes, l’inactivité pesante dans une attente fiévreuse d’on ne sait quoi.

M’enhardissant un peu de ses observations, j’en touchais un mot à un frère du Nord qui s’en est senti particulièrement flatté mais comme la modestie est une coutume ancrée, c’est un frère de Bujumbura qui m’expliqua. Les gens de la province d’Ngozi sont considérés comme des travailleurs acharnés,  qui ne craignent pas le labeur, organisés et solidaires, investis et qui regardent dans le long terme ; ce sont en quelques sortes des modèles pour les autres Burundais (qui allient tout de même respect, mauvaise foi, admiration et distanciation dans un bouillon de considération dont eux seuls ont le secret). Frère T. a d’ailleurs vécu plusieurs années de sa jeunesse dans le Nord et me confia, plus tard, dans une discussion complétement différente, que ce sont ces femmes paysannes de Busiga qui lui ont donné le goût du travail, du perfectionnisme, qui lui inculqué dans le silence du labeur l’envie d’agir et non de geindre ; il avoue que ces quelques années le révélèrent et qu’elles firent de lui un peu de ce qu’il est. Ainsi tels semblent être les gens du Nord, un autre point notable est la présence de jeunes hommes qui travaillent dans la campagne, jamais à Giheta je n’ai vu ça. La raison c’est que ces jeunes garçons partent à la ville, à Bujumbura pour s’extraire de la paysannerie ; mais à Ngozi, les jeunes restent, décident de s’investir dans le développement de leur village, de leur colline.

Mais alors le plus étonnant, c’est de voir comment est perçu par les deux populations (Nord et Centre) cet exode rural : dans le nord, un enfant de la famille qui part vers la ville est encouragé, on considère cela comme un « investissement » pour la famille, qu’il reviendra chargé de savoir et d’expérience (et d’argent) pour en faire bénéficier la colline ; mais ces jeunes-là restent à travailler avec les parents. Dans le centre, un enfant qui part est vu comme perdu, qu’il reviendra changé et qu’il aura perdu l’identité de la colline d’origine, qu’il sera forcément prétentieux et dénigrant et par conséquent dénigré, mais ces jeunes-là partent en masse. Que pouvons-nous en conclure ? Aucune idée… Les Burundais du Nord semblent donc travailleurs, tolérants, progressistes, ouverts, généreux, solidaires et ceux du Centre feignants, nonchalant, conservateurs et égocentriques ; j’ai tenté de modérer ces considérations en titillant des Burundais des deux bords et aucun n’a démenti la chose, ceux du Centre faisant part d’une étonnante autodérision et mes propos au lieu de les révolter les amusèrent. Pour ma part, je pense que la distinction n’est pas si tranchée, mais que ces caractéristiques Nord/Centre font parties d’un consensus commun propice à une taquine camaraderie entre ruraux, un peu à la « Ah mais vous dans le Nord !... T’façon les gens de Gitega… Tu me connais, j’suis pas d’Ngozi…».

En passant, petite blague burundaise sur les gens de Bujumbura (dits « nouveaux Burundais ») : Un professeur de Bujumbura demande à ses élèves : « qu’est ce qui vient après « agatas » (saison des pluies) ? », alors un élève sûr de lui répond « agasutas ! ». (Et à ce moment-là il faut rire). [La réponse qui nous parait évidente est « la saison sèche », mais un gamin de Bujumbura en entendant « agatas » ne comprend pas « saison des pluies » mais « la tasse » (pour boire un café) qui s’écrit et se prononce pareil (agatas) ; alors ce qui vient logiquement après « la tasse » c’est « agasutas » = « le dessous de tasse »). La tasse et encore moins le dessous de tasse ne sont des objets communs dans les foyers de la campagne.]

Il est intéressant de noter que la plupart des Burundais aspirent à vivre à la ville, à être « riche » et à s’enfermer dans de grandes bâtisses protégées par des murs de deux mètres de barbelés, comme les blancs (l’insécurité constante le justifiant). Certains ruraux se rendent compte de la tournure que la société prend : à l’image de l’occident, un individualisme exacerbé touche les citadins de Bujumbura, devenant hautains et condescendants ; les Burundais de la campagne ne les considèrent d’ailleurs plus comme des Burundais (car même le terme de « Burundais » n’est pas si évident, évidement on le voit comme « habitant du Burundi », mais dans la langue Kirundi, un Burundais ce dit : « humurundi » qui signifie « tibia », je n’ai pas appris les raisons de cette appellation et ni où l’allégorie se trouvait, car toujours allégorie il y a). Le politiquement correct français a convenu alors d’appeler ces Burundais citadins dont les mœurs se sont occidentalisés, les « nouveaux Burundais », permettant de mettre un mot sur cette réalité sociale sans connotations ni péjoratives, ni mélioratives.

 

Après la peste, le choléra

Les trois maladies qui déciment les Burundais sont, par ordre de sévérité, la malaria (palu), le sida et le diabète. En 1950, aucune de ces maladies n’existaient (sauf cas isolés). Je ne peux pas me prononcer  sur les facteurs de propagation du sida car je ne les connais pas. La malaria est arrivée avec la croissance démographique (3 millions d’hab en 1961, 7 millions en 2003), autrefois, la campagne burundaise n’était quasiment que forêts tropicales et des savanes, aujourd’hui, tous les creux de vallées sont cultivés, des canaux d’irrigations ont été tracés, des bassins de récupération et stockage d’eau ont été creusés et les surfaces d’eau stagnante ont explosées, propices à la croissance, au développement et à la propagation des moustiques vecteurs de la maladie. Mais que le diabète soit la troisième maladie la plus grave au Burundi a de quoi étonner mais la raison est unique : l’évolution des pratiques alimentaires ; les deux tranches de populations touchées sont la classe moyenne et les « nouveaux Burundais », les plus aisés en somme. Le phénomène est finalement assez simple, avec l’amélioration des conditions de vie et l’augmentation des revenus, il est de coutume de traduire « l’opulence » par la diversité des plats que l’on pose à sa table, ainsi, l’on est passé des haricots rouges, de la pâte de manioc et des feuilles d’amarantes aux frites de pomme de terre, aux frites de banane, au riz, aux pâtes, tout en gardant la pâte de manioc et tout cela dans une même assiette soit du sucre, du sucre et du sucre et beaucoup d’huile. A cela, il faut ajouter la consommation de bière, encore une fois, culturellement, l’aisance se traduit dans le nombre de bières que l’on est capable d’ingurgiter (On est toujours face à ce besoin de valoriser son image sociale et surtout son porte-monnaie) et les jeunes cadres et fonctionnaires s’imposent une réelle auto-formation, jusqu’à pouvoir ingurgiter 6 bouteilles de 65cL en une soirée et, évidemment, on accompagne ces bières  de brochettes de chèvre, de porc et de bœuf jusqu’à s’en péter le bide. Puis ces jeunes cadres ou fonctionnaires vieillissent, se tourne plus vers la Heineken car ça fait plus chic, puis voyant que la bière commence à mal passer, se trouvent un goût pour le whisky. L’embonpoint de ces joyeux quadragénaires  en ferait pâlir Jabba le Hutt ; et avec cette profusion de sucre, d’alcool, des viandes et de gras chez une population qui mourrait de faim il y a à peine une génération, inévitablement… Diabète !

 

Stanley et Livingstone se sont rencontrés au Burundi.

Frère P.

Ce carnet est incomplet et laisse une image de Frère P. loin de la vérité et loin de ce que je ressens. J’avais parlé de ses crises de rire tonitruantes et pour le moins embarrassantes sous l’emprise de l’alcool, il s’avère que l’alcool n’y est pour rien, c’est tout simplement sa façon d’exprimer sa bonne humeur ; qu’importe l’alcool quand on a l’ivresse, n’est-ce pas ! D’ailleurs, à propos d’alcool, lorsque je lui ai expliqué que l’alcool, quelques soient les circonstances, était mauvais pour la santé, l’effet produit fut des plus étonnant, du jour au lendemain il avait décidé de ne plus boire, et il le fit. J’en étais scotché.

Parmi tous les frères, ce fut avec P. que j’ai eu le plus de lien, le plus de complicité. Nous étions par exemple restés sur une discussion sur la religion un peu houleuse (narrée précédemment), mais au lieu de stigmatiser nos relations, il l’a tournée en dérision et elle devint alors un sujet de taquinage sur lequel il s’avançait cependant plus que moi, m’appelant « le païen » sans l’once d’une insulte et nous en rigolions. Parfois il avait comme des sursauts de réflexions à ce sujet et me lançait, avec une farouche curiosité des « Mais finalement, tu ne crois pas en l’âme !! » ou d’autres, à quoi je répondais avec toute la prudence du monde et souvent je lui répondais que je n’aimais pas me faire des idées fixes et que tout simplement je n’avais aucune idée si l’âme existait, et c’était la vérité.

Grace à P., j’ai pu arpenter la plupart des collines de Giheta, découvert les produits locaux, les coutumes, rencontrer les gens. Il m’a appris à faire la bière de banane, à reconnaître les variétés de bananiers et d’amarantes, à griller les cacahuètes, à observer les termitières, à manier la machette, etc. Quelques fois nous avons labouré ensemble quelques terrains appartenant à la congrégation, planté le maïs, les haricots et le manioc, aussi nous partions souvent pour un petit footing en fin d’après-midi. Il m’a aussi enseigné les rudiments du Kirundi. Sa soif de partage est intarissable et non plus sa soif de connaissances ; sur quoi nous discutions souvent de nos cultures et sociétés respectives, jamais vraiment en profondeur (nous n’en sortions pas de grandes conclusions sociologiques) mais nous nous amusions surtout à en extraire les clichés, surtout les clichés Muzungu/Umurundi, sur lesquels nous jouions sans cesse, parfois à en choquer un peu notre entourage.

Analyse personnelle du stage : extrait du rapport de stage.

Ces trois mois passés au Burundi ont avant tout été une aventure culturelle : plongé au cœur de la campagne burundaise, j’ai pu goûter à la vie locale, effleurer la complexité de la société traditionnelle, m’essayer à la langue du pays, le Kirundi, partager mets et boissons typiques, vivre au rythme des coupures d’eau et d’électricité, au rythme des pluies tropicales et des chaleurs torrides, arpenter les collines de Giheta, ravir mes oreilles du rythme lancinant des tambours de Gishora, flatter mes narines du parfum des fleurs d’oranger et de la terre humide, emplir mes yeux des couleurs chatoyantes des pagnes africains et de paysages vallonnés et verdoyants et égayer mes papilles aux saveurs de la bière de sorgho, du mukeke grillé, du langa-langa et des brochettes de chèvre. Ce fut aussi un voyage intérieur, introspectif éveillé par une certaine solitude, une immersion totale, une perte de repères puis l’apparition de nouveaux, l’influence de la philosophie de vie des Burundais, mon combat de longue haleine pour casser « le mythe du blanc » pour devenir homme parmi les hommes et non « muzungu » (blanc) parmi les « barundi » (burundais).

Le stage fut aussi un enseignement socio-professionnel incroyablement enrichissant, construit dans l’évolution quotidienne de mon rapport avec les opérateurs de l’atelier. Je suis arrivé gonflé de motivation, de volonté de partage avec une approche passablement prétentieuse du type, certes un peu caricaturée, d’un « toute ma vie j'ai investi du temps, de l'effort, de l'argent dans mon éducation, mon apprentissage, je pense posséder un capital de savoir, etc. et je souhaite en faire bénéficier ceux qui ne l'ont pas eu, arriver dans cet atelier et leur expliquer comment améliorer leurs produits, comment optimiser la production… », débarquant avec mes gros sabots d’élève ingénieur dans un univers et un monde dont je ne connaissais ni les codes, ni les pratiques, ni les stigmates, ni les préoccupations. Mon désir fort ambitieux d’aider et de faire progresser l’atelier s’est heurté à ce que, d’un point de vue occidental, nous pouvons appeler « passivité ». Un découragement violent m’a submergé les premiers jours suivi d’une conséquente remise en question. J’ai alors changé mon approche, mis de côté « ma mission » et intégré progressivement, finement, à tâtons, l’équipe. Il m’a fallu pas moins de deux semaines pour travailler manuellement et quotidiennement avec les associés ; un de mes premiers efforts, aussi aberrant que cela paraisse, fut de prouver qu’un blanc pouvait aussi travailler de ses mains. Une fois la machine lancée, la coopération a été mutuellement fructueuse, les objectifs de la mission se sont redessinés (grâce au soutien de frère T., m’aidant à comprendre et saisir la culture burundaise) et des résultats positifs, des perspectives et l’implication de l’équipe dans le projet furent de belles victoires. Je pourrais qualifier cette coopération d’une douce « co-adaptation » construite dans la subtilité de compromis mutuels. L’apprentissage du Kirundi fut le vecteur le plus puissant de l’élaboration de ces bons rapports humains.

D’un point de vue professionnel, ces trois mois furent épanouissants : je me connaissais déjà un goût pour le travail en autonomie et les responsabilités et c’est ce qu’il m’a été offert au CFR. Ce qui fut nouveau ici, fut de devoir monter mes propres projets dans un cadre d’attentes spécifiques, de devoir jongler entre les différents acteurs impliqués, discuter ; rencontrer des professionnels en se déplaçant dans le pays afin de partager les expertises mais surtout de mettre en place des synergies entre les ateliers agro-alimentaires du Burundi, chercher des partenaires, etc. J’ai de plus eu la chance de travailler pendant dix jours avec Mr M., professeur à l’ESA en viticulture, ce rapport étudiant/enseignant privilégié fut plus qu’agréable et enrichissant d’autant qu’il s’agissait d’un travail de recherche exploratoire : passionnant.

Ces rencontres m’ont ouvert sur l’importance des coopérations, la notion de synergie mais aussi sur le monde du développement (complexe et parfois houleux)  où l’on ne change pas le monde du jour au lendemain avec seulement de la sueur et de la bonne volonté : la part de chance, de circonstances, de contexte politique y sont aussi pour beaucoup et il faut y allier tact, patience, humilité.

-Discours d'adieu au CFR-

-Enfants de Giheta-

-Rwantare, le roi de la brochette de chèvre. Giheta-

-Tambourinaires de Gishora-

-Caméléon dans la savane arborée de Giheta-

-Mante religieuse (Pseudocreobotra ocellata). Giheta-

-Criquet ravageur du manioc-

-Port de Ruyigi-

-Bururi-

-Forêt primaire (Kibira) de la réserve de Bururi-

-Chutes de la Karera-

-Mont Héa-

-Grenouille. Source du Nil-

-Bord du Lac Tanganyika. Bujumbura-

-Giheta-

Sixième Partie

Partager cet article

Repost0
22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 19:41

Carnet de voyage - Burundi

Partie 6

Critique

Question de mon frère : « Je viens de finir de lire ton dernier récit, encore très intéressant. Mais à chaque fois je me demande comment réagirait un Burundais à la lecture de ce journal, s'il ne te trouverait pas hautain, ou décevant, ou bienveillant, est-ce qu'il aurait envie de te lyncher pour ce jugement permanent ou alors réagirait très bien ? Je voulais savoir ce que tu en pensais !”

Alors... que penserait un Burundais lisant mon récit... à mon avis il le jugerait erroné, prétentieux, indiscret et terriblement européen (Je suis allé à un café-philo hier et le thème était: les rapports Muzungu-Barundi (Burundais) qui me permet d'alimenter ma vision critique de mon carnet de bord).

Globalement, les Burundais voient les muzungus comme étant, entres autres, des gens riches, fiables, de confiance, recherchant toujours à tout comprendre, ponctuels, leur paroles étant gage de vérités malgré le fait qu'il faudrait une vie à un blanc pour comprendre la substance et les subtilités de la culture burundaise, ils les voient aussi comme des gens qui épanchent leurs sentiments et leurs pensées sans retenue, qui aiment parler d'eux et qui, voulant converser selon des codes occidentaux, posent des questions toujours très gênantes. D’ailleurs les Burundais se demandent aussi si les blancs se lavent car ils mettent tellement de deo et de parfum que c’est louche. Le muzungu est aussi droit, travailleur, chic et distingué, fumeur, pense comprendre le conflit Hutu/Tutsi alors que pas du tout.

En gros dans mon récit, j'essaie de transcrire tout ce que je vois de la façon la plus vraie possible et l'analyse avec des codes occidentaux, donc parfaitement décalée avec la vision que pourrait avoir un Burundais local du Burundi. Mon carnet de bord serait perçu comme hautain et prétentieux car j'essaie de prendre de la distance sur tout lorsque j'écris, donc détaché des réalités physiques et des préoccupations quotidiennes d'un Burundais, qui sont impossibles à comprendre et où aucun mot ne semble convenir (sauf dans les méandres de la subtilité du kirundi).

Il faut savoir que les Burundais sont des gens très réservés, qui n'essaie pas de chercher la vérité et qui ne communiquent pas sur leur vision du monde, de le comprendre; un Burundais ne pourra par exemple jamais faire une enquête sociale quelconque auprès d'autres Burundais car le nombre de biais est incalculable, chacun essayant de se valoriser le plus possible et cela nous semble, pour nous, parfaitement incongru; anecdote personnelle sur ce point:, j'ai tenté de faire une petite enquête consommateurs sur le lait de soja (avec l'intermédiaire d'un traducteur Burundais) et l'une des questions était: est-ce que le lait est trop cher pour toi? Tous, sans exception, après l'offuscation produite par l’indiscrétion de cette question, répondaient "pas du tout, ce n’est vraiment pas cher!" pour ne pas perdre la face devant frère T. qui traduisait et valoriser leur statut social ou leur porte-monnaie: c'est justement frère T. qui m'a expliqué tout ça.

De plus la langue burundaise est emplie de subtilités, d’allégories et de métaphores et parfois même les Burundais ne se comprennent pas entre eux, chaque région ayant ses propres métaphores filées (l'élevage, le commerce, la pèche, la terre etc.). Et les burundais assument sans complexe que ce sont des menteurs et certains échanges prennent la forme d’un « je sais que tu sais que je sais que tu mens, mais on continue tous les deux à converser comme si de rien n’était ».

Par contre, un Burundais ayant côtoyé longtemps des occidentaux où ayant vécu en Europe, trouverait mon récit probablement très intéressant, mais le jugerait comme une ébauche sans subtilité, c’est d’ailleurs aussi un peu comme ça que je le vois, je n’arrive à transcrire qu’avec pâleur « ma tranche de Burundi ». L’avis d’une amie burundaise, après une lecture partielle de ce carnet, m’a plutôt surpris quant à ma vision des burundais : elle m’a simplement dit que l’on sentait que j’avais vu juste sur eux, leur nature, la culture, leur façon d’être mais que je prenais tous cela avec trop de pincettes au lieu de réellement dire ce qu’ « il fallait » : quand elle se met à parler des Burundais, elle est beaucoup plus incisive et crue tout en ajoutant « il faut que tu arrêtes de te sentir responsables d’eux (c’était un « tu » plutôt général), s’ils sont là où ils en sont, c’est à causes d’eux et de leur irresponsabilité! ». Il y a évidemment une part de vérité là-dedans, même une très grande part mais, cela n’est certainement pas absolue !

Le café-philo m'a aussi fait réaliser à quel point les complexes d'infériorité et de supériorité sont marqués des deux côtés. Et je fais partie de ceux qui ont le complexe de supériorité, car en partant, ma motivation était: "toute ma vie j'ai investi du temps, de l'effort, de l'argent dans mon éducation, mon apprentissage, je pense posséder un capital de savoir, etc. et je souhaite en faire bénéficier ceux qui ne l'on pas eu, arriver dans cet atelier et leur expliquer comment améliorer leurs produits, comment optimiser la production…" Si ça ce n’est pas prétentieux! Et tous les volontaires que je connais partagent cette dualité où l'on souhaite à la fois être à leur égal et construire dans le partage et où, en même temps, on a conscience de posséder un plus en terme de savoir et on va les faire profiter de ce savoir.

Et du côté Burundais, c'est le même délire à l'inverse, ils se disent "un blanc arrive, il va faire des miracles, on lui fait plein de courbettes parce qu'on le respecte et que l'on se sent inférieur, et à quoi bon faire des efforts vu qu'il va tout nous apporter". (Propos prononcés par un burundais lors du café-philo). A mon avis, seules des décennies de coopération et de partage pourront aplanir et égaliser les considérations, car en fait, à l'échelle de l'histoire, cela ne fait que très peu de temps que les blancs côtoient les burundais (1700 en gros, avec une discrète colonisation allemande ) et les bazungu et  barundi ne se côtoient au quotidien ou ne travaillent ensemble que depuis très peu de temps: une vingtaine d'années environ, c'est pour cela que les imaginaires et les mythes du blanc sont encore terriblement ancrés dans la population; on raconte encore dans les campagnes que le blanc viendra manger un enfant s'il n'est pas sage.

La position du serpent

Un homme du village m’a appris que si je vois un serpent, je dois me pencher, face au serpent et mettre chacune de mes mains sur mes genoux, les pieds bien écartés. Evidement intrigué par ce conseil et cherchant en vain la raison d’une telle position, est-ce pour intimider le serpent ou se montrer pacifique ou… je ne voyais pas et je quémandais une réponse. Alors, avec un grand sourire aux lèvres, l’homme me répondit : « pour empêcher tes genoux de trembler à cause de la peur » !

(Coupure d’eau depuis 15 jours, tout devient compliqué, je me lave avec une eau jaune qui sent l’essence)

Cinema Paradiso revisité

Je fus invité le 30 septembre au soir à une cérémonie bien particulière par frère T.. Il avait une maman qui était très malade, sur ses vieux jours, il l’installa donc dans un petit paradis sur terre de campagne burundaise non loin de Gitega (ou du moins, il en a fait un paradis), afin de la garder près de lui pour subvenir à ses besoins ; il demanda à son frère infirmier, au chômage, de venir vivre avec elle et de veiller sur elle. Il vint donc, accompagné de sa femme, et commencèrent à créer un foyer familial, son frère eut trois enfants. La demeure devint petit à petit un refuge pour de nombreux orphelins de père et un soutien pour les veuves, la communauté créée prenait un essor étonnant, les bâtiments furent agrandis, des caféiers, avocatiers et bananiers furent plantés, des parcelles de manioc, d’haricots et d’amarantes virent le jour, assurant un petit revenu à toutes ses femmes.

Puis la maman mourut et fut enterrée à côté de la maison, quelques année plus tard, le frère de T. décéda aussi, prématurément. Il fut enterré au côté de sa mère, et une grande pièce fut construite autour de ces deux tombes ; ces deux pertes annonçaient la fin de ce refuge de charité et laissèrent la belle-sœur dans une solitude désarmante en proie au désarroi et à la misère. Frère T. intervint alors, avec une humanité et une finesse  qui lui sont propres, cette bonté qui émane de lui rayonne en permanence et je n’éprouve qu’une infinie admiration à chaque fois qu’il se perd dans les récits de sa vie. Il est difficile de comprendre et de transcrire par quels moyens, quel génie humain il a su encore une fois relever ce petit monde perdu de son humble action mais ce soir-là, j’assistais au résultat.

Chaque dernier jour du mois, anniversaire mensuel de la mort de son frère, une soirée est organisée, rassemblant veuves et orphelins et le déroulement de ce rendez-vous suit toujours le même rite traditionnel. Tous se rassemblent autour des deux tombes et entament de longues prières en mémoire de tous les défunts qui furent chers. Les psalmodies à la lueur de la bougie étaient lancinantes, envoûtante, dans un kirundi monocorde, un à un, chaque adulte dit une longue prière et les enfants, nombreux, répondaient à l’unisson avec le même rythme lent et articulé. La scène avait des airs d’incantations et je souhaitais effacer ma présence de ce recueillement sacré où tous les cœurs étaient en harmonie sauf le mien et je fermais les yeux pour me laisser envahir par cette mélopée vibrante d’émotions.

Je ressortis presque transi de cette réunion et le charme que j’avais ressenti s’envolait comme un rêve au réveil et ce fut le moment des salutations (car nous étions arrivés en cours de route) ; salutations en kirundi dont je commence à maîtriser les codes, dans les gestes et dans les mots et celles-ci me valurent, au-delà de l’étonnement et des regards admiratifs, un accueil chaleureux et une « acceptation » dans le cercle communautaire, au lieu d’être « le muzungu »j’étais « le visiteur », d’autant que j’accompagnais frère T., et ce détail n’est pas des moindres.

Frère T. mit en route le groupe électrogène puis déballa tout son chargement : des rallonges, son ordinateur, des enceintes et un vidéo projecteur. La coutume était de projeter des films dans une grande salle jouxtant les tombes, choses remarquablement inouïes et extraordinaires dans une campagne où il n’existe ni électricité ni eau courante. A l’attention des enfants, il passa « la véritable histoire du petit chaperon rouge », en français mais les enfants passaient outre et se délectaient des images et réagissaient d’enthousiasme, de fous rires et de cris de surprise ; un spectacle qui n’est pas sans rappeler les débuts du cinéma. T. m’expliquait, à juste titre, que c’était le moyen de les ouvrir, de les amuser, de créer une atmosphère forte et cette joie créée touchait la communauté, l’aidait à supporter le quotidien peu évident. Ces rendez-vous de fin de mois étaient de plus un moyen à chaque fois de rassembler, de créer autour de sa belle-sœur et de ses neveux une sphère amicale et salvatrice et cela marchait, la solidarité, la tendresse et l’amitié soudaient tout ce petit monde et l’ex-maison familiale vivait d’un feu nouveau, vif et lumineux, les réunions des 30 du mois apportant le bois à ce feu.

Au cours du film, la bière de sorgho fut amenée dans un immense chaudron de terre cuite. La recette de la bière de sorgho m’a été décrite mais je n’ai su retenir sa complexité. L’hôte des lieux, la belle-sœur de T. me tendit en premier le chalumeau (traditionnelle paille en herbe des marais), je tentais dans mes remerciement et mon attitude de montrer que je réalisais l’honneur qui m’était fait et m’avança vers la marmite, frère T. et le vétéran du village, au visage doux et creusé de rides, m’accompagnèrent. Le breuvage était brun foncé, dense, tiède, presque chaud et sentait, aussi étonnant que cela paraisse, le sorgho à plein nez, je plongeai alors le chalumeau dans la bière et aspira, c’était doux et sucré, et coulait agréablement dans la gorge, comme une soupe épaisse légèrement alcoolisée  et j’avais plus l’impression de manger que de boire, la richesse en amidon et protéines me rassasièrent après une demi-douzaine de longues gorgées. Nous quittâmes de concert la marmite pour laisser la place à d’autres, à ce moment, T. me glissa à l’oreille « de coutume, quand l’ancien retire en premier son chalumeau, il faut sortir le sien en même temps »  sous la forme d’un doux reproche. Les quelques autres hommes présents suivirent puis ce fut la tournée des femmes et une fois que tous les adultes furent rassasiés, le reste de la bière fut versée dans des bols et distribuée aux enfants qui se délectaient, plus que de la bière, des bourbes de sorgho. Je connaissais le rituel et ne fis pas part à frère T. de ma désapprobation, certes culturelle, à voir des enfants de 4 ans boire de l’alcool, de toute manière, il la connaissait et comme pour me devancer il me dit que c’était très nourrissant et très peu alcoolisé.

Le premier dessin animé était terminé et T. enchaîna avec « La vie est Belle », je fus d’abord étonné par ce choix mais compris très vite : la langue est une barrière à la compréhension du scénario mais le personnage principal est très expressif dans ces gestes, dans ses mimiques (très italien !) et il y a énormément de comiques de situation qui reçurent les plus vives réactions et des rires à pleine gorge. Les Burundais sont des gens d’habitude très discrets et les voir réagir aussi vivement et franchement étonnait et quelque part, faisait plaisir. Je demandais à frère T. si la Shoa était « connue » au Burundi, dans les campagnes et il s’avère que non, tout ce que l’on sait c’est qu’il y a eu un homme très méchant qui a essayé de conquérir le monde. L’horreur des camps de concentration n’a pas touché la culture populaire burundaise mais l’équivalence avec les camps de rassemblement pendant la crise de 1993 qui a meurtri les Pays des Grands Lac est « évidente » ; frère T. qui expliquait un peu l’intrigue du film en kirundi ne fit volontairement pas le rapprochement, le traumatisme étant beaucoup trop proche.

Je fus convié à passer le reste de la soirée dans la maison de la belle-sœur ; sa fille (scolarisée à un niveau équivalent au CM2) était en train de travailler ses conjugaisons de français sur la table basse. Nous échangions quelques mots tout en dégustant un bon hydromel, fait à partir du miel des ruches situées derrière la maison. Elle me félicitait pour mon Kirundi (qui est pourtant très sommaire), en s’offusquant presque que les autres bazungu ne fassent aucun effort pour le parler et le comprendre, ce qui m’étonne un peu d’ailleurs car beaucoup d’expatriés que je fréquente s’essayent à la langue locale et leur niveau est bien meilleur que le mien.

Puis nous entamons le chemin du retour, l’on nous salua chaleureusement des trois embrassades coutumières avant de retraverser la ville de Gitega plongée dans l’obscurité et de rentrer à Karukona.

Cinquième Partie

Septième Partie

Partager cet article

Repost0
6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 12:01

Carnet de voyage - Burundi

Partie 5

 

Ananas

Une journée comme une autre à l’atelier, nous avions fabriqué du nectar d’ananas et je pris toutes les épluchures et les paquets de fibres de fruits qui restent après la filtration pour aller les jeter dans une fosse creusée dans la forêt, non loin du centre, qui leur sert de poubelle (l’élaboration d’un véritable compost est un de nos projets). Des enfants en guenilles et à la morve pendante m’attendaient alors, je ne compris leur présence qu’au moment de jeter les épluchures en les voyant se ruer sur les écorces d’ananas et d’en racler le côté pulpeux avec leur petites dents, sans m’adresser le moindre regard. Après avoir passé un mois au Burundi, c’est à cet instant précis que je fus frappé de plein fouet par la misère et la scène à laquelle je venais d’assister me laisse une marque désagréable et profonde où la tristesse domine.

 

Mentor

Dans le cadre du projet de coopération Pays de la Loire – CFR – Groupe ESA, un professeur en viticulture de l’ESA, M. est venu passer dix jours à Karukona pour travailler sur la même mission que moi et plus précisément sur l’amélioration des vins de mangue, ananas et mûre. Ce fut dix jours intenses et enivrants. Mr M. est un homme simple, amical, très compétent, ouvert, pédagogue et doté d’un léger accent canadien qui rend sa sympathie encore plus naturelle. Il a fait une thèse sur la biodynamie en viticulture, est un admirateur de Claude et Lydia Bourguignon, etc. Bref, un homme selon mon cœur (réplique de film américain… et alors!?). Pendant dix jours nous avons fait des expériences sur les vins, testé des dizaines de modalités de process, discuté, débattu sur tel ou tel paramètre, expérimenté, planifié, mesuré, tenté de comprendre, été ravis des résultats satisfaisants et prometteurs, commençant nos journées à 6h et les terminant à 22h pour finalement discuter cinéma, Burundi, ESA, religion… jusqu’à 1h du matin.

Cela fait presque cliché, mais rien n’est plus épanouissant, formateur motivant que de travailler en duo avec un professeur compétent et impliqué ; sa passion pour la vinification a déteint alors que c’était un domaine qui ne m’intéressait guère. Et puis les discussions étaient tellement riches et tellement naturelles, parfois enflammées qu’une amitié s’est probablement créée au point qu’après trois jours j’étais partagé entre le tutoiement et le vouvoiement, dilemme que Mr Meunier n’a pas soulagé, ne semblant remarquer mes allers et retours entre l’un et l’autre. Il est parti en me laissant plein de travail, plein de perspectives sur la mission et m’a aussi donné un sacré coup de main sur le lait de soja. Je pense désormais avoir un bon pied à terre à l’ESA et une porte toujours ouverte pour discuter de tout et n’importe quoi une fois le rythme des cours repris. Dans notre formation on nous incite beaucoup à aller chercher l’information dans la bibliographie mais désormais je crois plus formateur, ou du moins indéniablement complémentaire, de bénéficier directement de l’expertise de nos mentors.

L’amour est d’une couleur rouge brique

Il y a beaucoup de coupures d’eau en juillet et août. Pourquoi ? Parce que nous sommes en pleine saison sèche ? Que nenni, les sources sont (quasi) imperturbables et crachent par toutes les saisons de l’eau venant du ventre des collines. Mais ces coupures d’eau alors ? Et bien les mariages en sont la cause ! La procédure pour un mariage traditionnel au Burundi est complexe et longue, parmi cette procédure, il convient aux prétendants masculins de construire une maison sur le domaine familial afin de pouvoir accueillir la future mariée. Les effluves de l’amour s’avivent avec la chaleur torride de la saison sèche et les jeunes hommes se mettent alors à faire pousser des maisons sur les collines comme des champignons poussent sur une termitière. Qui dit maison dit briques, qui dit briques dit fabrication de briques (incombant au garçon amoureux) et qui dit fabrication de briques dit besoin de beaucoup d’eau ; et comme faire des milliards d’allers et retours aux points d’eau est fort fastidieux, les hommes préfèrent creuser une tranchée jusqu’à leur petit chantier, puis il sectionne le tuyau d’alimentation, privant d’eau tous les villageois se trouvant en contrebas. Le temps que ce détournement de bien commun arrive aux oreilles du chef de colline et le temps que celui-ci se déplace, face rafistoler le tuyau éventré et rabroue le garçon, le jeune homme aura déjà terminé son œuvre et les briques seront déjà en train de sécher au soleil. Voici donc comment l’amour peut nous priver d’eau fraîche.

Ma planète des singes

Pour la première fois je passais un week-end sur Bujumbura, profitant du passage d’A. sur Giheta qui raccompagnait Mr M. à l’aéroport, sa mission étant terminée. Nous fîmes, le vendredi soir, un passage par la plage afin de contempler le lac Tanganyika. Toute la côte est jalonnée de cabarets, hôtels bars-plage et Aurélie nous conduisit à un petit cabaret, le Pinacle, doté de plusieurs jolies petites paillottes qui font face au lac. Mais la particularité de cet endroit, au-delà de l’atmosphère détendue, rustique et conviviale, au-delà du marais qui le borde, refuge des hippopotames qui viennent barboter nous loin des clients sirotant tranquillement leur bière, sont ces deux chimpanzés qui se promènent librement sur la propriété, jouant avec les visiteurs, chipant leur boisson à l’occasion.  C’est alors toute amusée du phénomène, la guenon Avril est venue me taquiner, m’attrapant les jambes, mordillant mes lacets puis, ayant pris confiance se mit à me grimper dessus et à faire des acrobaties s’accrochant à mon cou et mes bras. Le gérant du Pinacle, dresseur de la petite Avril, m’invita à faire moi-même le singe et le résultat fût exaltant ! Avril toute excitée répondait à mes cris simiesques et me donnait de grandes tapes dans le torse avec ses deux bras, j’imitais le geste à quoi elle réagit par de petit cris joyeux.

Le ciel, d’un noir orageux fut alors fendu d’un immense éclair et le tonnerre gronda à tout rompre, la petite créature poilue prit peur et vint alors se réfugier, terrorisée dans mes bras, mâchouillant anxieusement ma main. C’est la première fois de ma vie que je « rencontrais » un singe et je dois dire que je fus impressionné par son attitude si humaine, son habilité, sa curiosité, ses variations de caractère et quelque part, sa sympathie. J’étais frustré de ne pas avoir pu voir le second volet de « la planète des singes, les origines » au cinéma mais la compensation fortuite de cette expérience dépassait mes espérances. Le temps nous était compté et nous primes le chemin de l’aéroport sous un ciel zébré et une pluie tambourinante, la première depuis le mois d’avril, annonçant le début de la saison des pluies.

Et les hippopotames seront bien gardés

Le lendemain, aux aurores, accompagné de la clique des expatriés de Bujumbura, nous nous étions convenus de faire une virée à la Rusizi, une réserve naturelle tout près de Bujumbura. Le Parc de la Rusizi est un marais aux milieux diversifiés qui débouche sur le lac Tanganyika. Nous embarquons à bord d’un petit esquif à moteur dans l’atmosphère embrumée  du petit matin sous un ciel nimbé de tons roses et gris. A l’horizon, les montagnes du Congo se dessinent en ombre chinoise, les hautes herbes, papyrus et joncs bruissent tranquillement surmontés de quelques arbres de savane  tandis que nous naviguons en silence sur les eaux troubles du marais à l’affût du moindre mouvement d’eau, dans l’espoir de voir surgir un crocodile ou un hippopotame. Les bestiaux ne mirent pas longtemps à se montrer, après quelques dizaines de minutes, des paires de petites oreilles grises, dépassant de la surface se tournent vers nous et doucement émergent pour laisser place à la tête imposante d’un hippopotame. Les créatures nous regardent avec nonchalance mais non sans une certaine méfiance et se massent en petit groupe pour nous faire face, affichant leur force passive et impressionnante. Nous les dépassons, englobés par leur regard sondeur pour finalement les voir disparaître comme un mirage dans les eaux boueuses de la rivière.

Nous dépassons de nombreuses petites plages de terre où des centaines d’oiseaux barbotent : aigrettes garzettes, hérons et flamands roses et beaucoup d’autres encore avant de déboucher sur le Lac Tanganyika. Le paysage et les couleurs étaient d’une beauté poétique et aquarelle, l’eau prenait la couleur du ciel et le panorama  offrait une continuité aux nuances dégradées où l’horizon se confondait, imperceptible. L’eau, devenue claire, ondulait suavement, sans le moindre clapotis. Les silhouettes de nuées d’oiseaux se dessinaient en noir sur le fond aux formes travaillées où les gris bleuissaient et le rose s’illuminait des premiers rayons de soleil qui filtrait à travers la fine nappe nuageuse qui couvrait le lac. Au loin, un pêcheur dans une minuscule pirogue de bois jetait ses filets pour peut-être attraper quelques  mukékés  ou sangalas . Le temps de balade était court et nous amorcions déjà le retour, quittions les immensités du lac pour revenir dans les terres. Peut-être un peu plus réveillés, les hippopotames se montraient beaucoup moins discrets, certains s’amassaient en petit groupe, tendrement entassés, la tête des uns sur le dos des autres, et un petit sourire de béatitude semblait s’esquisser aux coins de leur gueule, d’autre nous saluèrent de ce bâillement impressionnant et caractéristique démontrant toute la puissance de leur mâchoire, capable de broyer un crocodile. D’ailleurs, à propos de crocodile, nous soupçonnons avoir vu l’ombre d’une queue mais rien de plus, ce n’est pas aujourd’hui que nous croiserons Gustave, le croco légendaire du Lac.

Sur le retour, nous rentrons un peu plus dans les terres, passant sous un pont où un immense troupeau de vaches aux cornes majestueuses traversait avec les camionnettes, croisant femmes en pagnes transportant les chargements sur la tête et vélos croulants sous le poids des marchandises : bois d’eucalyptus, bière, charbon et autre. Le spectacle était empreint de la singularité des voyages dépaysant. Les habitations commençaient à fleurir sur les berges, et la nature laissait progressivement place à l’activité fiévreuse des hommes, on nettoyait les vélos, faisait sa toilette, vidait les eaux usées, s’affairait à la lessive et à la vaisselle. Nulle envie de plonger la main pour apprécier la température ne m’animait, je n’osais imaginer le bouillon bactérien que cette eau rouge sombre abritait.

Ce canal n’était jamais emprunté d’ordinaire et notre présence avait quelque chose d’intrusif, nous étions entrés sans trop nous en rendre compte dans l’intimité des habitants fluviaux et rebroussions chemin vers l’embarcadère.

Un peu de Kirundi

Lorsqu’un Burundais demande quelque chose en français, les termes utilisés sont toujours très bruts et peu délicats car ils font un peu de la traduction mot à mot du Kirundi.  Déjà le « s’il te plaît » n’existe pas et « exiger » des tournures au conditionnel évidemment, c’est trop demandé. En kirundi, la forme commune de demande est « Ima » qui se traduit littéralement par l’impératif « donne », donc à table, lorsqu’ils parlent français, c’est « donne le sel, donne l’eau… ». Ayant un peu de mal à me plier à ces formules, j’ai voulu savoir s’il n’y avait pas une façon plus polie ou cordiale de demander, il y en a une, c’est « Ndasaba » qui se traduit par « je demande », cette traduction littérale est donc terriblement pédante, on ne se verrait pas, nous français, lancer comme ça à la cantonade « je demande la viande ! ». Les Burundais donnent donc l’impression de toujours exiger quelque chose, d’ailleurs, dans la culture, le refus à l’aide ou au don ou au service n’est pas habituel (c’est le principe : tu me donne aujourd’hui, je te rends demain) ; d’ailleurs, il y a une expression en Kirundi qui dit « Sekura ungurane » qui n’est pas évidente à traduire mais en gros c’est « Tu piles (le grain) donc tu me donnes », cela sous-entend que aujourd’hui c’est toi qui a le grain donc « donne m’en » et à l’avenir tu me demanderas aussi le grain quand j’en aurai. Donc en effet, les Burundais ne demandent pas vraiment mais ils exigent et se servent, le cuisinier m’a dit un jour « donne-moi une cigarette », je fais ok, lui tends le paquet avec une cigarette de sortie, il l’a prend, en saisit une autre et s’en va en disant « itabi ira yoshe » (le tabac c’est bon) ; Frère P. nous avait, quelques semaines auparavant,  invités chez le cuisinier ; je payais donc ma dette, avec ces cigarettes, de la réception que le cuisinier nous avait faites. (Oui, car on n’est rarement invité mais on s’invite tout seul chez les autres). Ce sont des codes sociaux qui sont très difficiles à intégrer pour un occidental, en tout cas, j’ai du mal.

 

Quatrième Partie

Sixième Partie

Partager cet article

Repost0
28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 15:54

Carnet de voyage - Burundi

Partie 4

Le sang du Christ

La bière de banane (insongo) que nous avions préparée quelques jours plus tôt était prête et elle fut servie à table. L’arôme de banane n’est pas perceptible, c’est surtout le goût de la farine de sorgo qui reste en bouche. C’est une boisson vraiment atypique et je ne lui trouve pas d’équivalent, je ne peux pas non plus dire que je l’apprécie vraiment car elle devient très vite écœurante et elle couvre le goût de tous les aliments consommés en même temps.

Les frères enchaînaient joyeusement les verres, sauf un frère invité, S., étudiant la théologie à Toulouse (mais Burundais), qui surveillait minutieusement sa consommation, très clairement partagé entre la politesse d’accepter le breuvage traditionnel et la volonté de mener une vie d’ascète. Frère J., probablement à son 10eme verre, saisi la bouteille ventrue, l’enserra de son bras droit et déclama « l’insongo, c’est mon amour », S. d’une voix douce, ferme et lasse lui répondit « Mais c’est Jésus ton amour. », « Bof ! » fit J..

 

Ce court échange était chargé de tant de choses! Et une multitude de pensées et sentiments s’entremêlaient dans mon esprit. Je fus d’abord frappé par une terrible désillusion, je ne crois pas en Dieu mais je trouve que la foi est une chose magnifique, pure, puissante et j’admire les « vrais hommes de Dieu », ceux qui sont chargés d’amour et d’empathie. En venant vivre trois mois dans une confrérie, je m’attendais quelque part à « élever mon niveau de conscience » (c’est la formule la plus juste que j’ai trouvée même si elle sonne faux), à élargir ma vision du monde et des humains par le partage avec des hommes ayant fait le choix d’offrir une grande part de leur vie à Dieu. Cet espoir un peu trop voluptueux s’évaporait dans le souffle de ces quelques mots prononcés.

Mais c’est une analyse un peu plus sociologique de la chose qui prit le dessus. J’eu, les jours qui suivirent, tenté de répondre à mes intuitions un peu cyniques concernant le choix de rentrer dans les ordres dans ce pays, et par chance je pus, lors de mes balades, discuter avec des personnes passionnantes et éclairées qui me décrivirent sans complexe le revers de la médaille. Le Burundi est un pays très pauvre (même s’il se développe très vite) avec plus de 50% de chômage, le peuple Burundais est très croyant et pratiquant, le clergé est fortement présent et les institutions religieuses font légion. La vie de frère est une situation très enviable car l’on travaille peu, ou le travail vient tout seul, on est en sécurité, nourri, logé et respecté. Il n’est alors pas étonnant que de nombreux jeunes choisissent d’entrer dans les ordres pour échapper à la misère même si ce n’est pas leur vocation : le nombre d’ordinations est impressionnant et les noviciats omniprésents. S’il n’y avait pas le vœu de chasteté, la moitié du pays appartiendrait au clergé ! Mais c’est une vie de solitude qui les attend et la plupart n’échappe pas à l’alcoolisme qui ravage le pays.

Je pensais que P. échappait à ce penchant pour la bibine car il se contentait souvent d’un verre quand les autres sifflaient des bouteilles. Il était tout excité lorsque je lui apprenais à faire son propre alcool avec tout et n’importe quoi, comme un gamin mettant un Mentos dans un Coca light et je m’amusais aussi de nos petites expériences. Mais un soir, il emprunta deux bouteilles de vins, de 35cl tout au plus, à l’association T., un vin de mangue et un vin d’ananas, pour les « déguster ». Je compris plus tard que ma présence auprès des associés avait permis de justifier cette subtilisation peu subtile. Nous étions seulement deux à table, il but deux verres et cela suffit à le rendre surexcité, braillant des longs « haaaa » aigus et frappant la table de la paume de la main. P. est quelqu’un de fragile qui ne supporte pas le regard des autres, les jugements, les confrontations : il ne buvait donc jamais avec les autres frères car il ne tenait tout simplement pas l’alcool et était piteusement ridicule  une fois saoûl ; avec moi il semblait malheureusement à l’aise… Le jour suivant, il traversa la pièce commune en tornade, cherchant désespérément et frénétiquement un peu de vin à boire psalmodiant « il me faudrait du vin, il me faudrait du vin » puis parti comme il était rentré et je ne le revis pas de la journée. Vaincu par les faits, j’étais entouré d’alcooliques et je venais d’apprendre au plus fragile d’entre eux à faire du vin maison…  Seul T. sauvait l’honneur mais il était en retraite pour 15 jours. (Plus tard, je me rendis compte que ce jugement hâtif sur frère P. était erroné, mais ces précédentes lignes traduisent mon ressenti sur le moment).

 

Au cours de cette soirée où les frères se sont pris une cuite, frère P. m’avait demandé si je ne pouvais pas leur mettre un film. Un peu embarrassé par le choc culturel qui pourrait subvenir si je choisissais mal la pellicule, je l’ai questionné, un peu dans le vide je l’avoue, sur le genre de film qu’il voulait voir, il m’a alors dit « n’as-tu pas des films sur le Vatican, l’Eglise ou le Christ ? », je leur aurais bien proposé The Da Vinci Code (erf !) mais je ne l’avais pas sous la main… Je ne savais d’ailleurs pas du tout quels était les genres des films que j’avais sur mon PC et je me suis dit qu’un film français serai peut-être le moins « dangereux » : je choisis les Petits Mouchoirs. Bon, il s’avère qu’ils n’ont entravé que couic. J’ai d’ailleurs pris un malin plaisir à expliciter l’intrigue secondaire sur la relation homosexuelle de deux des personnages pour observer leurs réactions, ils n’ont certes trop rien dit mais semblait éclairés et tolérants sur la question, ils trouvent d’ailleurs ridicules la Manif Pour Tous en France (dans un pays où l’on emprisonne les gens à vie pour des relations homo, voir des frères catholiques ouverts comme cela sur la question faisait plaisir). Les seuls commentaires émis au cours du film était « ils ont des belles routes en France ! » et « Mais pourquoi ils ne pêchent pas alors qu’ils ont un bateau ? », finalement leur concentration s’est tournée vers la bière et j’ai pu heureusement terminer le film seul dans ma chambre, à pleurer toutes les larmes de mon corps sur cette si belle scène de clôture.

 

Une messe comme une autre

Je souhaitais assister à une messe traditionnelle du dimanche, par curiosité, et frère Paul fut ravis de ma demande. Nous grimpâmes alors la colline jusqu’à la belle et massive église de Giheta pour arriver sur la grande esplanade qui lui fait face : l’endroit était plein à craquer de Burundais, c’était la sortie de la seconde messe et nous allions pour assister à la troisième. La surpopulation ajoutée à un fervent unidirectionisme religieux fait des églises de géants distributeurs de prêches, et il faut que ça tourne pour que tout le monde puisse avoir sa dose ! Ainsi, quatre messes sont nécessaires. L’avant-messe est très sympathique : on se rencontre, beaucoup de poignées de mains, d’accolades et d’embrassades, de discussions tranquilles sur le parvis ; les femmes portent de beaux pagnes colorés, les hommes sont en chemises bien repassées reprisées par-ci par-là, les petites filles en robes et les garçons en jean. Il se dégage une atmosphère détendue de balade et de déambulation sous le soleil doux et matinal, les immenses ibiscus qui bordent l’église épanouissent leurs fleurs rouges dans la lumière caressante et l’air est empreint d’un parfum suave de fleur d’oranger. Puis fut le moment de la messe, où je me suis pas mal ennuyer à vrai dire… J’étais étonné de voir autant d’enfants et d’adolescents et fut accaparé un bon moment par une petite fille que faisait crisser agressivement une capsule de bière sur le béton du sol de l’église jusqu’à ce qu’un homme exaspéré prit l’enfant pour l’assoir et l’immobiliser sur un des bancs. Au bout d’une heure et demie ce fut la délivrance et nous pûmes revoir le soleil et parcourir le chemin en sens inverse.

 

Les terres burundaises

Au cours de toutes mes promenades à travers la campagne burundaise j’ai pu avoir un large aperçu des cultures et denrées que cette région tropicale tempérée d’Afrique peut offrir.

Les fruits que l’on trouve ici sont surtout des bananes, il y en a des très nombreuses variétés : les bananes vertes (« igitoke ») à frire ou à sauter, poêler ; ils en font aussi une sorte de bouillie cuite dans l’huile de palme qu’ils mangent au petit déjeuner appelée « agatoke ». Parmi ces bananes vertes on trouve la fameuse banane à bière, ce bananier se reconnaît à son tronc noir, on en trouve aussi plusieurs variétés : de savants mélanges sont d’ailleurs effectués pour la confection de la bière « insongo ». Les bananes jaunes, dîtes bananes mûres (« umuhwi ») peuvent être larges, longues, petites etc. Les bananiers sont des plantes étranges qui peuvent donner un régime au bout d’un an et demi, ce sont des arbres qui retiennent très bien la terre et préviennent de l’érosion, les feuilles séchées peuvent être tressées, faire des tapis, couvertures rudimentaires ou de la corde, les troncs morts font, quant à eux, de très bons paillis pour les autres cultures. Une variété de bananier est utilisée en plante ornementale et ne donne pas de bananes : il est de petite taille et ses feuilles sont larges, épaisses et d’un vert plutôt sombre. On m’a aussi raconté que dans la région de Imbo, ils extraient une levure très efficace du bananier en creusant une large cavité dans son tronc, au bout d’une journée, cette cavité est remplie d’un liquide semblable à de l’eau que les Burundais ajoutent au jus de banane pour le faire fermenter en à peine 24h.

On trouve aussi beaucoup de manguiers, en fleurs en août et ne donnant des fruits qu’en décembre ; apparemment, les mangues de la province de Gitega sont petites et filandreuses tandis que celles que l’on trouve à Bujumbura sont grosses et juteuses. De même, les mûriers sont très rependus sur les collines de la province de Gitega, le port de la plante, les feuilles, les fleurs et même les fruits qui sont beaucoup plus allongés sont très différents de chez nous mais cela reste des mûres ; elles fleurissent avec les premières pluies et la récolte est très abondante fin-septembre, début octobre.

-Mangue, mûres, ananas, papaye, maracuja, prune du japon, avocat, goyave

-Manioc, patates douces, pomme de terre (« ibiraya »= « qui vient d’Europe »), maïs, haricots, sorgho, riz, colocases (photo ci-contre, on mange la partie souterraine de la tige).

-Amarante, feuilles de manioc, de haricots, céleris, tomates, poireaux, ciboules, courgettes, aubergines locales, carottes, choux, pili-pili

-Thé, café, canne à sucre, coton, palme

 

Le pèlerinage de Mugera

Un grand pèlerinage est de coutume pour le 15 août, vers la montagne sacrée de Mugera. Décidé à voir un peu de pays et ravi de pouvoir marcher un peu, je fis deux heureux en décidant d’accompagner Paul pour cet événement qui lui tenait tant à cœur. Je n’ai aucune idée de la distance qui nous séparait de Mugera mais nous mîmes 3h à traverser les nombreuses collines et je peinais à suivre le rythme du frère motivé.

Des jeunes femmes de Giheta  se joignirent à nous après quelques kilomètres, sympathiques et curieuses : P. faisait le traducteur. Elles posèrent surtout des questions sur comment un enfant grandissait chez nous, s’il travaillait au champ : elles furent étonnées d’apprendre qu’une toute petite part de la population était agricultrice. Ensuite elles voulurent savoir si en se mariant à un français elles pouvaient devenir françaises, si un enfant de deux Burundais naissant en France était français, de quelle couleur était un enfant entre noir et blanc, et que, si jamais un enfant des deux ressemblait plus au parent noir, est-ce qu’il était quand même accepté comme français.

Sur les derniers kilomètres avant Mugera, les routes de terre s’étaient muées en petits sentiers où l’on pouvait à peine marcher à deux de front et les pèlerins se faisaient de plus en plus nombreux, débouchant de chemins affluents  pour ne donner plus qu’une interminable file continue de personnes sinuant à travers les collines ; le spectacle avait une beauté cinématographique à l’allure des grands exodes de l’histoire de l’humanité. Il n’y avait quasiment que des femmes et des enfants, certains marchaient depuis des jours : la fatigue et la force de leur foi s’offraient une drôle de joute sur les trais de leur visage. Une certaine frénésie animait le flot humain : sans véritablement se bousculer, les pèlerins dévalaient les pentes en trottinant, sautillant et grimpaient les côtes en grandes enjambées, les enfants se faufilaient entre les jambes et les cannes à sucre que portaient  la plupart des marcheurs sur la tête ou à l’épaule, elles se balançaient tels des étendards nus ballotés par le ruisseau de croyants. Comme d’habitude j’avais tout un cortège d’enfants et de jeunes filles qui répétaient « suivez-le Muzungu » en Kirundi, certains, chargés de cannes à sucre ou d’un bébé accroché au dos ahanaient généreusement à essayer de suivre mon rythme, au plutôt le rythme de P. que je peinais moi-même à suivre.

Nous arrivâmes sur le site de Mugera, que je connaissais déjà mais cette fois ci il était gorgé de monde, convergence finale d’une dizaine de sentiers charriant des Burundais du pays entier. Mugera est une des plus vieille cité du Burundi, construite en pierre par les premiers pères blancs qui en avaient fait le foyer de la foi chrétienne au Burundi.  Une messe immense se tenait sur le flanc de la montagne, il y avait bien 30 000 personnes, peut-être 50 000… il est difficile de savoir ; beaucoup avaient passé la nuit ici, s’entassant sur plusieurs hectares tel un manteau coloré couvrant la montagne sacrée. Mais malgré la richesse en couleurs de l’évènement, la sérénité et la béatitude qui émanaient de la foule, ma perception était voilée par la puanteur des défécations humaines mélangées à une forte odeur d’eucalyptus, j’avais cette désagréable impression que chaque bouffée d’air inspirée était hautement contaminée et je faisais des efforts pour ne pas me laisser envahir par le dégoût.

Il y avait de très nombreuses personnalités religieuses et politiques, accompagné du traditionnel cortège militaire en surnombre et surarmé. La messe en plein air commença à 9h30 pour finir à 13h, et il s’avère que je me suis vraiment fait suer, tout était en Kirundi, heureusement P. m’en traduit une grande partie et certaines déclamations n’étaient pas inintéressantes telles que : « aide-nous Marie pour que les élections 2015 se passent bien ».

Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés au marché de canne à sucre car je voulais absolument essayer ça ; sur le chemin, chacun portait entre une et quatre cannes et avait toujours un bout en main qu’il mâchouillait avec férocité, arrachant avec les dents les fibres et crachait le bois vidé de son jus. Pour 500 Fbu j’eus une belle canne épaisse de deux mètres, rien que de transporter cette canne sur mon épaule me valut de drôles de regards et ce fut l’apothéose lorsque je m’assis et me mis à décortiquer et sucer le bois sucré et gorgé d’eau, à la fois rafraîchissant et doux comme une friandise : les gens s’arrêtaient complétement pour me regarder manger, me montraient du doigt du genre « t’a vu le Muzungu qui mange la canne, dingue ! » avec des grand « Yoooooooo » exclamatifs et finalement ils se mettaient à me poser des questions, « d’où viens-tu », « est-ce que le muzungu a la mâchoire assez puissante pour manger la canne », « tu sais ce que tu manges » à quoi je répondais fièrement « umusigaati » etc.

P. a enfin compris que je n’étais pas croyant, il ne comprenait pas trop comment cela pouvait être possible mais il a quand même voulu débattre un peu. Il m’a dit que lui était croyant car il se posait beaucoup de questions et que la religion apportait beaucoup de réponses : « qu’est-ce que la mort ?», « qui est le premier-homme ? »,  « d’où vient la vie ? »… puis il me fait « tu crois au moins au fait que tout est créé ? » ; je lui répondu évidement que non, que je croyais en l’évolution, que les hommes étaient des singes (enfin pas exactement me diront les puristes mais on va pas être tatillon !), etc. Je ne voulais pas paraître trop dur avec lui et je voyais qu’à chacune de mes réponses il se refermait un peu sur lui ; un peu contrarié, il voulut presque m’obliger à accepter que Dieu contrôlait ma vie. Sur ce coup-là, j’ai  un peu perdu mon sang froid et lui ai répondu que, par exemple, je préférais chercher le pardon des autres plutôt que le pardon de Dieu, que je préférais diriger mon amour et mon temps à moi-même et aux autres plutôt qu’à Dieu,  que penser que sa vie est dirigée empêche d’avancer… Il se mit à faire la moue et fini par grogner « J’aime pas parler de Dieu de toute façon ». J’ai eu vraiment pitié de P. à ce moment et compris que c’était surtout le manque d’éducation à un enfant qui cherchait des réponses qui fut à l’origine de sa foi. De plus, j’avoue ne pas avoir beaucoup de considération pour la foi du frère P. : un jour il m’a dit « si un voleur vient ici et que je l’attrape, je n’appelle pas la police, je lui casse les deux-bras et je le laisse partir », pas vraiment les paroles d’un homme de Dieu à mon goût… Mais il est aussi extraordinairement serviable et refuser son aide ou le moindre « non-merci » fait apparaître une franche frustration sur son visage. La vérité c’est qu’à mon avis il souffre beaucoup de solitude et j’ai remarqué de nombreuses fois qu’il fuyait les autres : il choisit toujours le siège le plus à l’obscurité et le plus éloigné de tout le monde quand il s’asseoit dans un bar par exemple. Les autres frères sont beaucoup plus vieux que lui et il est donc ravi d’avoir un peu de compagnie et je suis enchanté d’avoir quelqu’un pour me faire voir un peu de pays.

En narrant cet échange avec frère P. à mes parents avisés, ils me mirent en garde de faire très attention à ne pas briser ses convictions, comme ils le disent : le Burundi n’est pas la France et les frères n’ont probablement aucune autre alternative de vie que celle qu’ils mènent dans les ordres. Si frère P. se met à douter aujourd’hui de ses choix, de sa vocation de vie… le résultat pourrait être dramatique. Ainsi par arrogance j’ai voulu lui faire part de ma vision de la réalité, celle que je considère comme indéniable et je n’ai finalement peut-être fait que semer le germe d’un doute profond qui peut se révéler destructeur : je me fais alors le sermon de ne jamais arroser ce germe même si je dois avaler ma langue pour cela.

J’étais complétement exténué sur le retour et une vieille douleur au genou s’était réveillée, faisant de cette petite randonnée pédestre un calvaire. Je parcourus cependant la grande majorité du chemin d’un pas lent et boiteux soutenu par la compassion de P. mais les derniers kilomètres furent ceux de trop et la douleur atteignait des paroxysmes, me réduisant à l’immobilité. Nous nous trouvions sur de larges chemins de terre qui suivent les crêtes des collines, traversant les villages de Giheta. Ce sont des « routes » très empruntées et non carrossables et P., pour abréger mes souffrance héla un vélo mais pas n’importe quel vélo : un taxi-vélo ! Ainsi pour une somme modique mais pas non-plus bon marché pour le pays, le cycliste me conduisit, sur son porte-bagage jusqu’à ma destination. L’idée est superbe et très amusante (il faut comprendre que les vélos sont de véritables investissement professionnels) mais descendre à toute allure les chemins cabossés du Burundi sur un porte-bagage en métal nu soutenu par une roue sans suspension relève plus du viol que d’une croisière de plaisance. Je pensais pourtant être rôdé après avoir subi les pavés angevins sur le porte bagage de mon cher ami Camille mais je me trompais…

Troisième Partie

Cinquième Partie

Partager cet article

Repost0
18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 17:53

Carnet de voyage - Burundi

Partie 3

06.08.2014 Insongo

Je fus initié ce soir-là à la fabrication de la fameuse bière de banane par frère P., je garde le secret de sa fabrication pour conserver l’authenticité de ce cadeau culturel. Un des frères en apprenant cela a eu peine à croire au fait que j’ai pu écraser moi-même les bananes à la main dans le cuveau, m’en mettant jusqu’au coude : évidement il est étrange que le blanc mette la main à la pâte et se salisse…

07.08.2014 Dans les collines

Le jeudi en fin d’après-midi, nous partons avec frère P. pour un footing à travers Giheta, sur une autre colline que la dernière fois, traversant de nombreux petits villages. Le contact avec la population fut très agréable, les enfants s’excitaient comme des petits fous à la vue d’un blanc et marchaient ou couraient à nos côtés sur quelques centaines de mètres à chaque fois. Avec la décolonisation encore très récente (50 ans environ), certains parents racontent encore à leurs enfants que les blancs viendront les manger s’ils ne sont pas sages ; jouer à leur faire des grimaces et à mimer de les poursuivre les fait éclater de rire pour certains et courir dans les jupons de leur mères amusées pour d’autres.

Nous passons près d’un petit point de vente où quelques denrées sont présentées, je m’amuse à réviser mon vocabulaire sur chaque produit et à chaque mot prononcé en Kirundi, les Burundais s’esclaffent. « Iniota » pour le maracuja, « umuhwi » pour les bananes mûres, « igitoke » pour les bananes vertes, « langa langa » : les amarantes, « umusigaati » : la canne à sucre, « iniania », les tomates… et ils pouffèrent quand je prononçais « ibiyaba » au lieu de « ibiyoba » pour les cacahuètes et répétèrent mon erreur tous en cœur. Les jeunes filles présentent dans le cercle de la vingtaine de badauds venus observer le muzungu qui parlait kirundi se déhanchaient significativement et me déshabillaient de la tête au pied de leur regard de braise ; être « l’étranger » n’a pas que des inconvénients.

Quelques kilomètres plus loin, nous passions par la maison d’un des cuisiniers du Centre de la congrégation, Severino., et il nous convia chez lui. La pauvreté était frappante, la maison était minuscule, faite de terre cuite et d’un toit en tôle, la chambre et salon de 10m2, bas de plafond, se trouvait directement derrière la porte d’entrée, la terre battue faisait office de sol. Des illustrations décrépites de la vierge et de Jésus étaient accrochées au mur, du maïs pendouillait, suspendu au-dessus du lit. Severino, ayant un emploi, pouvait s’offrir un lit avec un matelas et des draps blancs alors que la plupart des gens devaient se contenter d’un tapis de vannerie tressé dans des herbes de marais. Un rat traversa la pièce au moment où nous nous prenions place autour de la table basse. Il nous servit un plein bol de cacahuètes grillées et versa la traditionnelle bière de banane de première qualité (dit « Insongo », la bière en générale se dit « inzoga ») dans un bol de terre cuite (« inôko » à ne pas confondre avec « inoko » : la poule), tout le monde boit dans le même bol à l’aide de pailles végétales.

Au Burundi, les services rendus et les invitations comme celle-ci marchent en donnant-donnant : personne ne refuse jamais un service ni l’accueil à quelconque visiteur de passage, mais un jour celui qui a aidé ou accueilli viendra à son tour demander la pareille et il est impossible de refuser ; c’est un système de solidarité égoïste qui semble très bien fonctionner sur les petites communautés, chacun ayant très bien compris qu’il est personnellement gagnant en aidant les autres.

 

Marché de Gitega

 

Je suis allé faire un tour, une fin d’après-midi, au marché de Gitega. En réalité il y a deux marchés, le marché supérieur et le marché inférieur : le marché supérieur est une immense place entièrement couverte d’abris de tôles supportées par des forêts de piliers en bois sillonnés par de grandes artères de circulation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les toits très bas et les passages terriblement exigus entre les étales confèrent à l’atmosphère une ambiance calme, ombragée et rassurante, particulièrement  pour le marché aux légumes, peut-être parce qu’il n’est tenu et fréquenté que par des femmes. Mais le secteur qui m’a le plus séduit, c’est le marché de tout ce qui n’est ni habit ni nourriture ; cette fois-ci, il n’y a presque que des hommes. On y trouve des étals où s’amoncellent des milliards de pièces de quincaillerie, en face desquels une femme forte à la bonhomie sympathique fait le commerce de piles, de batteries, de tout le matériel électrique possible et imaginable d’un haut emplacement couvert dont les murs semblent portés par ce barda de bric et de broc hérissé de centaines de fils gainés comme s’il s’agissait du ventre d’un monstre de fer. Des adolescents aux muscles saillants, plein de suie, jouaient aux cartes sur des barils d’essence recyclés en table basse tandis que des vieillards aux postures tranquilles aiguisaient des couteaux, rabotaient des poutres ou tressaient de la corde. Cet endroit sent la sueur, le fer, le bois, le cuir, le charbon, il sent l’homme et la matière.

Les odeurs changent au fur et à mesure de l’ascension dans le marché supérieur, d’abord les petits poissons séchés du lacs Tanganyika  puis la viande fraîchement découpée, les tripes et le sang quand on dépasse l’immense abattoir ouvert où chèvres et vaches sont découpées et vendues en ce même endroit, les mouches se faisant plus nombreuses que les clients. Les odeurs laissent finalement place aux couleurs sur la fin du marché, consacré à la vente des pagnes et des tissus, majoritairement rwandais,  les femmes sont affairées à tailler jupes, robes, pantalons et chemises et la fin de ma déambulation est accompagnée des cliquetis réguliers et énervés des machines à coudre.

Quant au marché inférieur, je n’y ai pas mis les pieds ; son aspect délabré et les remontées d’odeurs de pourriture et de saleté ne sont pas ce qu’il y a de plus avenant et les commerçants en bordure me regardaient d’un œil fiévreux et malavisé. Des amis habitant à Gitega l’on déjà parcouru et ils racontent une atmosphère oppressante, des interpellations incessantes, insistantes voir agressives de la part des vendeurs comme des clients.

A Gitega, on distingue plusieurs quartiers ; de ceux que j’ai parcourus, il y a le quartier populaire de Yoba, où la construction est incroyablement anarchique, les rues ne sont pas goudronnées ou pavées et la précarité et la saleté sont des éléments omniprésents. L’histoire de ce quartier remonte à la crise de 1993 où les campagnes étaient devenues très dangereuses, surtout la nuit, hutus tuant tutsis et inversement, ajoutant à cela les milices profitant du désordre pour piller les villages et les abus de pouvoir de l’armée. La peur qui régnait dans les campagnes a engendré une sorte d’exode rural éclair où les civils se sont massés aux pieds des villes, formant des bidonvilles pour rester tous ensemble, en masse et en sécurité ; le quartier Yoba est l’un de ces anciens bidonvilles de refuge.

Un autre quartier est le quartier Swahéli, à savoir le quartier musulman. L’histoire des musulmans dans ce pays est intéressante : les arabes furent d’abord les premiers esclavagistes, venant acheter et voler des hommes au Burundi avant de laisser place à la colonisation allemande. Puis il y a eu un peu d’immigration venant de Tanzanie mais la plupart des 10% des musulmans du Burundi sont des Burundais qui se sont convertis, tous au long des années de chaos qui ont suivi la décolonisation, dégoutés par les agissements de certains prêtres ou de l’Eglise en général qui a poussé à de nombreux massacres, souvent dans les églises mêmes. Ainsi le quartier musulman ne montre aucun signe de la culture arabe, ils parlent Kirundi ou français, mangent des haricots, du lenga lenga et de la pâte de manioc et la seule différence observée réside dans le thé épissé qu’ils servent : un thé vert avec beaucoup de lait et du gingembre, clou de girofle et cardamone (un délice !). Les musulmans se saluent aussi par « salam » ou « salama » mais cette salutation est souvent aussi utilisée par les citadins chrétiens. –Par simple association d’idée, le chiffre 2 en Kirundi se dit « kabili »- et lorsque l’on dort en ville les chants du Muézins précédent les prêches catholiques ou protestants au petit matin.

Mais malgré cette intégration complète de la communauté musulmane parmi le peuple Burundais, on note tout de même une forme de racisme antimusulman notamment due à la guerre menée par l’armée Burundaise contre Al-Chabab en Somalie et la confusion notable entre musulmans et islamistes extrémistes ; un des frères m’a d’ailleurs demandé un jour : « mais est-ce que vous avez peur des musulmans en France ? » : la bizarrerie de cette question parle d’elle-même.

 

 

Seconde Partie

Quatrième Partie

Partager cet article

Repost0
11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 16:02

Carnet de voyage - Burundi

Partie 2

Pas l'Afrique que l'on imagine

On entend souvent dire, lorsqu’un français parle de l’Afrique : « ils n’ont rien et pourtant ils sont beaucoup plus heureux que nous ». Cet adage est complétement faux ici… Ce n’est pas le bonheur que l’on croise lorsque l’on se mêle à la population, dans les cabarets de nuit, les bus, les rues… On sent partout l’insécurité, la misère, la majeure partie de la population est alcoolique, l’espérance de vie de 39 ans, tous ceux avec qui j’ai discuté ont perdu des frères et des sœurs… La guerre qui a sévi il y a 20 ans a laissé d’étranges cicatrices : la peur et un sentiment de fatalité qui peut peut-être expliquer cette forme de passivité que l’on retrouve partout. A défaut de croire vraiment en l’avenir, ils croient en Dieu : un des frères me disait « quand on n’a plus rien, il ne reste que Dieu », il exprimait probablement l’essentialité de la foi, mais je l’entendis plus comme si la foi était l’antipode du confort (parler de bonheur serai bien trop présomptueux et indéniablement erroné) : la religion semble mieux fermenter dans la souffrance des hommes que dans l’opulence.

02.08.2014. Ordination

Ce samedi-là était jour de fête pour la congrégation Bene-Yozefu (Fils de Joseph) car une dizaine de novices se faisaient ordonner frères et quatre frères célébraient leur jubilé (25 ans dans les ordres). En conséquence une grande messe se tenait dans la très grande église de Giheta à l’architecture modeste, colorée. Derrière cette église, d’immenses complexes religieux étaient construits, avec des enfilades de patios et jardins, une école privée, un noviciat et probablement d’autres choses, cet endroit était la maison-mère de la congrégation, des ibis noirs et blancs contemplaient l’effervescence d’activité aux cimes de grands arbres majestueux qui dominaient le complexe religieux. En discutant, avant l’ouverture de la messe,  avec quelques frères en tenue de cérémonie ravis de pratiquer leur français, je me suis rendu compte de l’ampleur des activités de cette congrégation, possédant des centre de formation, des écoles maternelles, primaires et lycées dans tout le pays ainsi que de nombreux sites de production agricole : maraîchage, apiculture, vinification… mais aussi de la production de briques, des services d’installation électrique, cordonnerie etc. La congrégation Bene-Yozefu est un acteur efficace de l’insertion socio-professionnelle de centaines de jeunes dans le pays et pallie à l’incompétence et à la nonchalance du gouvernement. Mais c’est aussi une puissante entreprise de formation et de production qui chapote de très nombreuses associations, dont par exemple Twiyunge (« unissons-nous » est Kirundi) avec qui je travaille. Aujourd’hui au Burundi, ce sont les congrégations religieuses et les investisseurs étrangers qui portent tant bien que mal le développement du pays.

C’était donc jour de fête et Frère P., au premières heures du jour, était venu frappé à la porte de ma chambre, excité et enthousiaste, en me demandant si j’avais des habits de fête, soit un complet costard-cravate et compagnie, ce n’était évidemment pas le cas… Il se dépêcha de me trouver un déguisement ; je souhaitais personnellement y aller décontracté mais cela semblait important pour eux tous que j’ai l’air d’un muzungu chic et distingué. Mais une fois mon apparat enfilé, ce n’est pas les mots « chic et distingué » qui me viennent à l’esprit : mon pantalon était ample et vert kaki, je portais sous mon épaisse et large veste noire une chemise bleu ciel trois fois trop grande, boutonnée jusqu’à la gorge, sur laquelle tombait une cravate jaune safran aux motifs bruns et comme cerise sur le gâteau, je n’eus d’autre choix que d’enfiler mes chaussures de randonnées…  Je me sentais dans la peau d’un employé de la DDE qui collectionne les nains de jardins et possède la version intégrale de Louis La Brocante.

Tout compte fait, je me fondais assez bien dans la masse : la précarité mêlée au souhait de paraitre moins précaire n’est pas vraiment vecteur de bon goût… tous s’étaient mis sur leur 31 et pourtant il se dégageait une forme d’inélégance générale, les femmes portaient des tissus hautement colorés qui juraient les uns avec les autres et les hommes avaient la même dégaine que moi. Je fus alors placé aux premières loges pour assister à la messe, accompagné de deux sœurs blanches venant de Moissac ; ce fut un exemple frappant du traitement particulier réservé aux blancs : nous étions au premier rang, juste derrière les novices ordonnés tandis que les familles étaient dans le fond de l’église,  possédions  des bancs larges à dossiers ainsi que des coussins pour les genoux au moment des prières ; les autres quant à eux, s’asseyaient sur des poutres en bois à 40cm du sol. Aurélie avait aussi été conviée et nous étions des invités d’honneur.

La messe fut assez agréable, mais intégralement en Kirundi, et malheureusement, nous n’étions pas accompagnés d’autochtones pour nous décrire l’événement en cours qui s’avérait somme toute très proche de nos messes catholiques françaises. Elle dura en revanche 5h, rythmée par de nombreux chants religieux portés par une chorale dynamique, mais pas déchaînée comme l’on peut le voir dans les messes noires américaines, accompagné d’un fond musical rudimentaire : batterie, basse, synthé, guitare électrique, piano. La guitare et le piano étaient terriblement faux ou complétement à côté de la gamme, je ne saurais le dire, mais le résultat était dissonant à souhait…  Les novices prononcèrent leurs vœux, des chants, des prières, des vœux, des chants, et ainsi se déroula la messe ; la fin fut assez intéressante, un représentant du Pape, venu de Rome, prit la parole. On m’apprit qu’il s’agissait d’une sorte de responsable financier du Vatican, le Burundi semblant être une filiale importante de la firme cléricale. Puis un membre du gouvernement politisa toute la fin de la célébration, les élections de 2015 ouvrent les portes à toutes les formes de propagande politique et l’état n’est pas clairement séparé de l’église : la femme du président possède d’ailleurs sa propre église dédiée à tous les fous de la messe.

 

Nous sommes partis avant la fin de la messe (qui s’est finalement terminée à 16h !) avec A. pour rejoindre la clique de bazungu à Bukarama puis rouler tous ensemble vers Bukewe où nous avons réservé un hôtel à raison de 6000 Fbu par personne (soit 3€). Nous dinons en fin d’après-midi dans un restaurant tenu par une confrérie de sœurs dont la terrasse offrait un magnifique panorama sur les collines de la région et profitons des dernières lueurs du jour pour jouer aux cartes sous le regard intrigué des clients puis consommons le reste de la soirée aux cabarets (nom donné au bars) de Bukewe. Il est étrange de formuler la chose comme tel mais c’est un véritable plaisir de se retrouver avec « les siens » : le rapport noir/blanc que je vis tous les jours à quelque chose d’usant… être appelé toute la journée « monsieur » par des adultes, être vouvoyé par les jeunes de mon âge que je côtoie quotidiennement,  c’est une forme de respect automatique et vide de sens que je n’ai rien fait pour mériter, qui empêche tout contact vrai et humain ...

03.08.2014. Kibira et champs de thé

Nous consacrons la journée à l’ascension du mont Teza, le deuxième sommet du pays (le premier le dépasse de quelques mètres), celui-ci se trouve dans une grande forêt primaire longue de 100km partagée entre le Burundi et le Rwanda : la Kibira (j’ai appris plus tard qu’il y avait plusieurs Kibira, au Nord, au Sud…). Le début de l’ascension se fait dans des grands champs de thé vert, c’est la première fois que je voyais du thé de près et je dois dire que cela ressemble à de simples petits lauriers palmes, sans odeur particulière mais c’est le vert très clair et uniforme de cette culture qui en fait sa beauté, la rend presque irréelle, comme un paysage de maquettes en plastique. Des centaines de papillons rouges et noirs volent autour de nous (sur ce coût là je me mords les doigts, étant parti précipitamment, mon filet à papillon étant resté au Centre…). Nous rentrons alors dans la forêt dense et immense qui se tient devant nous en suivant un petit passage sinueux taillé à la machette, un guide payé en conséquence nous ouvre la marche. La nature est luxuriante, peu de fleurs, des bruits d’animaux stridents, puissants et étranges nous entourent de toute part, certains couvrant presque nos voix. Nous apercevons un superbe oiseau au plumage rouge vif mais nous sommes trop nombreux et trop bruyants pour observer de grands animaux : cette forêt abritant une dizaine d’espèces de singes, de nombreux félins, des antilopes et probablement de nombreuses autres merveilles. Les insectes se font eux aussi très discrets, je ne mets la main que sur de sortes d’énormes méloés aux tâches rouges sang, des lucidae diverses allant jusqu’à 1cm de large et de gros charançons Lyxinae.

Les immenses fougères arborescentes nous dominent, des arbres millénaires surgissent çà et là, des fruits étranges ressemblant à des grosses courgettes roses à taches blanches pendant lourdement sur des branches sinueuses où s’entremêlent lianes et autre plantes grimpantes, heureusement le ciel était couvert et rendait la chaleur supportable, mais l’atmosphère lourde et humide pesait sur nous bien plus que nos sacs à dos. Au fur et à mesure de notre grimpette, la forêt changeait de visage jusqu’à n’être que de petits arbres gris couverts de mousses vertes pâles, effilées, qui se balançaient au vent ; le sol était un épais tapis de mousse que seules quelques grandes fabacées perçaient pour présenter leurs fleurs roses pâles. Puis nous débouchons enfin sur ce que l’on pourrait appeler des alpages, quelques buissons épineux persistaient, ainsi que des genets desséchés et de sortes de petits cyprès. La pelouse était drue, épaisse et les apex piquants, le sommet n’était pas loin. J’eus la chance d’attraper à ce moment-là un énorme criquet de plus de 8 cm de long aux ailes antérieures tigrées et les postérieures violacées.

Nous suivons ainsi une crête puis arrivons sans plus d’efforts au sommet, le mont Teza : le panorama n’était malheureusement pas extraordinaire et la vue bouchée par l’atmosphère épaisse et vitreuse rendant le paysage peu photogénique ; on m’a alors informé que c’était un peu partout pareil au Burundi, la lumière n’est jamais franche, toujours filtrée par l’air saturé d’humidité, le ciel est rarement bleu mais souvent blanc…

Nous redescendons alors le mont dans un rythme soutenu et ce silence commun  provoqué par le fatigue physique du groupe, le temps nous est compté car je dois absolument prendre un bus à Bugarama pour rejoindre Giheta avant que la nuit ne tombe, les autres rentrant à Bujumbura, me ramener au Centre leur ferait faire un gros détour. Prendre le bus, seul, m’angoissait quelque peu, de me retrouver au mauvais endroit à la nuit tombée par exemple… Ma montée dans le bus s’est faite dans une précipitation peu rassurante, il a fallu que je vérifie tant bien que mal qu’il s’agissait du bon bus, que ma destination soit bien comprise, puis négocier le prix car évidement ils essaient toujours de surtaxer les blancs, et enfin grimper tant bien que mal dans le mini-van bondé empestant la sueur ; car oui, les « bus » sont des véhicules de 12 places où s’entassent une trentaine de personnes, le prix du trajet dépend du chargement que l’on a, de la distance et du dénivelé (plus cher si cela monte). Etant le dernier à grimper, j’ai dû me contorsionner pour rentrer dans le véhicule et passé tout le trajet sur une seule fesse. L’ambiance du bus était des plus oppressantes, outre la position peu confortable dans laquelle je me trouvais, une effroyable odeur de gaz d’échappement, se mêlant à celle de la sueur et de la crasse, emplissait l’habitacle, la conduite sportive et effrénée du chauffeur nous envoyait tous comme de vulgaires sacs à patates les uns sur les autres tout en jouant généreusement de son klaxon strident. Mais malgré ces multiples agressions, je sentais quelques choses d’apaisant dans ce bus et ne mis pas longtemps à comprendre que pour la première fois, après quelques minutes de trajets, les regards que l’on m’adressait étaient normaux, le muzungu était descendu de son piédestal et partageait l’inconfort et le commun de la vie des Burundais, je n’étais plus un extraterrestre richissime et me délectait de cette heure de trajet où j’étais homme parmi les hommes.

Je me suis tout de même fait rattraper par la nuit et, une fois descendu du bus, ai dû parcourir un kilomètre dans l’obscurité pour rejoindre le Centre, un vieillard squelettique, édenté et saoul comme une barrique me tint compagnie de sa démarche titubante et de son monologue mâchonné en Kirundi sur la moitié du chemin ; je recroisai ce même homme quelques jours plus tard, il s’avérait être conseiller municipal. Je retrouvais les frères pour le diner, s’étonnant de me voir arriver seul, me demandant où était le chauffeur, en leur répondant que j’avais pris le bus, l’un m’a demandé, les yeux écarquillés « mais vous vous mélangez à la population ? », je répondis simplement que c’était la première fois que je le faisais. Je ne nie pas avoir ressenti une certaine petite fierté à ce moment-là.

04/05.08.2014 Avec les Burundais.

La routine s’installant, ma présence devenait plus acceptée, et j’affinais ou commençais à créer des relations plus normales avec tous les habitants du Centre et ceux qui y travaillent.

La première personne avec qui j’ai passé un peu de temps, outre les frères, est un garçon de 23 ans, Anicet qui étudie en littérature et parle un peu anglais, il travaille à la cordonnerie. En discutant, je me suis rendu compte de la flagrante différence de niveau d’éducation scolaire qui nous séparait, il ne maîtrisait par exemple absolument pas les notions mathématiques comme « inférieur/supérieur », 0.05 était désespérément plus grand que 0.1, etc. Dès le début je ne « sentais » pas ce garçon, même s’il n’avait aucune attention malveillante, le dialogue qu’il nouait avec moi était criant d’hypocrisie ; il portait beaucoup d’intérêt à l’argent, savoir si j’étais riche, comment on se prêtait l’argent en France, etc. J’essayais d’être le plus franc, amical et clair possible, lui expliquait le système des banques, des adresses bancaires, que les étudiants français sont malgré tout assez fauchés… même si j’avais l’air d’un « alien » avec mon gros appareil photo et mon ordinateur portable…  Au cours de la semaine, il me demandait plusieurs fois si je pouvais lui donner de l’argent pour qu’il aille s’acheter de la bière ou alors sans aucune raison. Je refusais au début puis feignais ensuite l’incompréhension  (son accent anglais tellement étonnant s’ajoutait à une confusion systématique de la première et seconde personne me donnait une certaine légitimité dans ces circonstances). Quand il comprit qu’il n’obtiendrait rien de moi, il insista pour prendre mon numéro en me disant que nous « collaborerions » dans 5 ans quand je serai devenu un homme important avec du pouvoir  et qu’il me donnerait son adresse bancaire (l’explication que je lui avais donnée n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd). Je ne ressentis que de la pitié pour ce garçon, pourtant plus vieux que moi, dont la vision du monde était si erronée et ses espoirs si puérils. Je n’eus pas le courage de briser cet enthousiasme candide qui naissait en lui et ne lui répondis que un « on verra, on verra » évasif.

 La petite équipe d’opérateurs de l’atelier de transformation alimentaire de Twiyunge ont fini par m’intégrer progressivement à l’équipe mais j’ai dû jouer d’un peu de ruse pour cela. Ma mission première étant l’amélioration du lait de soja, j’ai fait semblant de monter un petit protocole expérimental pour tester de nouveaux process, le matériel sur place ne permettant pas de faire grand-chose comme expérimentation et les appareils de mesure sont trop imprécis pour obtenir des résultats satisfaisants. J'ai demandé qu’ils me fournissent quelques graines de soja et ai préparé devant leurs yeux quelques bouteilles de lait de soja, outre le fait de leur prouver quelque part mes compétences et ma maîtrise du process, j’ai piqué leur curiosité et ai pu engager un vrai dialogue « professionnel » et suis parvenu à leur expliquer la répartition des protéines entre le lait et le coproduit okara dont ils font des croquettes de soja. Je ne suis pas sûr qu’ils appliqueront les recommandations que je leur ai faites, la rengaine commune étant « je vous conseille de faire comme ça, vous aurez un meilleur lait », « oui, mais nous, on fait comme ça », « mais vous ne voulez pas essayer différemment ? », «nous, on fait comme ça »… Mais un autre résultat s’est fait sentir, désormais, dès qu’ils commencent à travailler, ils m’appellent pour que je vienne les aider et je passe ainsi la majorité du temps avec eux, et ils voient que mon labeur est aussi efficace que le leur.

En discutant, ils me demandèrent si je mangeais les papillons (Ikiniuguniugu en Kirundi, tellement mignon !), j’ai beaucoup ri et leur ai expliqué que non, que je les étudiais et les dessinais.

Dans la même journée, une des jeunes opératrices passa un peu de temps avec moi, et nous discutions de la France, du Burundi, son français était correct et elle s’amusait beaucoup de me voir baragouiner du Kirundi et ni une ni deux elle me demanda crûment « est-ce que tu aimes les filles », « oui, bien sûr » répondis-je tout amusé de ces avances si directes.

- Et tu aimes bien les birabulé (noires) ? 

 -Bazungu ne birabulé (blanches et noires).

-Parce que moi j’aime bien les bazungu ».

Tout était dit ! J’ai surtout ri et souri. Comme quoi quelques heures après avoir noué mes premiers contacts avec eux, j’en récoltais déjà les fruits, je pris cela comme le signe d’une bonne intégration.

 

Première Partie

Troisième Partie

Partager cet article

Repost0
4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 13:50

Carnet de voyage - Burundi

Partie 1

27.07.2014 Arrivée

Le vol a été magnifique, le ciel dégagé permettait d’admirer les côtes Grecques et les immensités sahariennes, survolant par trois fois le Nil. Ma bouche était encore pâteuse des bières belges sirotées la veille en compagnie de charmants autochtones à l’accent rugueux et d’un sympathique camerounais qui me faisait découvrir  du Manu Dibango, Richard Bona et Alpha Blondy ; mais converser avec mon voisin de siège, un quinquagénaire belge amoureux du Burundi et marié à une Burundaise, me fait oublier ce petit mal de tête matinal.

L’arrivée au Burundi s’est faite de nuit, le soleil se couchant à 18h20 ; ainsi ma première impression de ce pays se limitait à la portée des éclairages publics et à la chaleur assommante à la sortie de l’avion ; je fus accueilli par A., charmante et pétillante, chargée du volet agronomie de la coopération Pays de la Loire/Burundi et de J., responsable du volet sport et loisirs.

On m’a tout de suite immergé dans l’atmosphère locale, après un bref passage à la coloc « Mao » d’expatriés blancs, ironiquement décorée de portraits de ce grand meurtrier, encerclée de grands murs et d’un portail immense accompagnés de son gardien silencieux (sécurité quasi-inévitable pour tous les blancs résidents ici, affublés du titre de « Muzungu »). Nous sommes allés au cabaret « Peace and Love » pour y déguster des brochettes de poisson accompagnées de sorte de bananes plantains tout en sirotant la bière locale, la Primus (prononcée « primousse »), à raison d’1€ la bouteille de 70cL.

Les discussions avec tous ces membres d’ONG, d’associations humanitaires et de volontaires furent riches et détendues malgré la perceptible et discrète hostilité de la clientèle locale envers les blancs.

Je m’endors désormais, percevant la mélopée des grenouilles où se mêlent les chants d’un muezzin lointain car demain l’Aïd est célébré pour la première fois au Burundi en tant que jour férié : « cadeau du président ».

 

28.07.2014 Mise en bouche

Ce n’est pas la chaleur qui me réveille mais les cris de gros corbeaux noirs et blancs, dits corbeaux-pies, qui font ployer les branches des palmiers sous leurs sauts disgracieux. Les deux chiens homosexuels de la « coloc » Mao me saluent et je pars avec A. vers le bureau des Pays de la Loire. avant de nous aventurer au cœur de la ville pour échanger mes euros et me trouver un téléphone. Sous la lumière du jour, la ville parait bien différente, les avenues sont immenses et bordées uniquement de hauts murs aux barbelés acérés, les maisons sont invisibles derrières ses barricades, et seuls quelques grands buildings désaffectés n’ayant servi qu’à blanchir de l’argent jaillissent  çà et là dans l’atmosphère poussiéreuse de cette ville plate et ondulante sur les douces collines de la vallée. Les rues ne sont pas bondées, hommes et femmes déambulent semble-t-il au hasard ou se meuvent d’une force tranquille sous de lourds fardeaux de matériel divers.

Les opérations de change furent laborieuses, les bureaux sont minuscules et donnent sur la rue telles de banales épiceries où l’on négocie le taux de change comme on négocierait le prix d’une pièce de viande, nous sommes arrivée acceptablement à un taux de 2200 francs Burundais pour 1€. Partout des badauds gardent les places de parking sur le trottoir et aide à se garer, à sortir moyennant quelques piécettes, un muzungu qui s’entêterait à ne pas verser le tribu à plusieurs reprises se verrait les pneus de sa voiture crevés à son retour. Obtenir un téléphone portable fut aussi peu évident, la compagnie Léo qui tient le quasi-monopole de télécommunication s’autorise des largesses de prix et les vendeurs sont prétentieusement  imperméables  à la négociation  des prix ; la force d’un blanc dans de tels situations est la fermeté, la patience et une intransigeance  cordiale et souriante. Pour communiquer dans le pays il suffit d’acheter une carte sim, un portable et des cartes de recharges de crédits dans la rue puis de se faire enregistrer par un employé Léo, simplement assis sous une tonnelle dans la rue.

Je partage ce midi-là mon repas avec deux stagiaires, étudiants au STAPS, arrivés par le même vol que moi venus pour un mois dans le cadre du volet Jeunesse et Sport des projets du bureau de P., au menu brochettes de chèvre et salade de chou servis après la traditionnelle et incompréhensible, heure d’attente qui suit la commande.

Nous quittons Bujumbura en début d’après-midi pour Giheta (prononcée Guiheta), là où je passerai la majorité de mon séjour. La route fut incroyable, elle relie les deux plus grandes villes du pays : Bujumbura et Gitega et de ce fait est très empruntée et permet d’avoir un aperçu assez intéressant du pays. Le paysage est très vallonné mais pas montagneux sur cette partie-là ; malgré la pleine saison sèche, il est aussi très vert, les flancs sont occupés par quelques cultures en terrasse et les creux de vallée dédiés au maraîchage ou la culture de riz, rappelant beaucoup la campagne vietnamienne (que je ne connais que des films). De grandes forêts d’eucalyptus bordent les cultures de thé et partout des essences de palmiers qui me sont inconnues déploient leurs larges feuilles vertes claires pour couvrir la terre rouge.

 

 

Les images qui nous viennent en tête lorsque l’on nous parle d’Afrique se matérialisent devant nos yeux, partout des files indiennes de femmes et d’enfants aux vêtements bariolés et colorés transportent de lourds chargements en équilibre sur leur tête, des vélos rouillés trimballent des cargaisons d’une dimension et d’un poids inimaginable, s’accrochant aux camions et aux voitures qui dévalent la route à toute allure. A chaque virage des adolescents, à l’affut de bazungu (pluriel de muzungu), abordent notre 4X4 surchargé de matériel humanitaire en proposant bouteilles d’eau, fruits et boissons…  Mais d’autres assaillants sont en traque : la police. Probablement corrompue jusqu’à la moelle et affamée en fin de mois, elle jalonne  la route de Bujumbura à Gitega et nous a arrêtés par trois fois, cherchant à chaque fois un prétexte, jamais justifié, pour nous soutirer de l’argent; heureusement notre conducteur de pure souche  était rodé et managea ces incartades d’une main de maître. Pour des bazungu voyageant seuls, il suffit d’appeler un ami, un collègue pour mimer ou utiliser le fait d’être « protéger » par de plus grandes instances, d’avoir des relations, et le paysan en costume bleu et armé prend peur, ouvrant la voie.

 

 

Nous avons été accueillis à bras ouverts par les frères de la congrégation Bene Yosefu., coordonnant les activités de transformation du site et assurant la gestion de l’ensemble de la communauté.

L’atmosphère ici est plus fraîche et plus calme, mais nous devons de suite nous mettre au travail et terminer la rédaction du projet de développement qui précède ma mission ; ainsi le temps me manque pour rapporter le contenu de tous nos échanges, portés sur le développement des cultures maraîchères et l’aménagement du marais en contrebas, la lutte contre un mille-pattes ravageur de tubercules, la mise en place de panneaux publicitaires, l’organisation du point de vente des produits alimentaires de l’association Twiyunge sur Bujumbura, le suivi du marais par un ingénieur agronome Burundais et la visite d’un ingénieur en viticulture courant août. Nous passons la fin d’après-midi à faire le récapitulatif des sujets  abordés pour la réunion du lendemain avec les membres des bureaux des associations Twiyunge et Nturambirwe puis partageons un repas avec la majorité des frères où nous sont servis des carottes, de la viande de chèvre, des aubergines et des pommes de terre ; ainsi qu’une tête de chèvre, mets très prisé des Burundais. Nous dégustons au dessert des baies de maracuja, de la papaye et des prunes du japon.

Je passe le reste de la soirée à discuter avec A. avant de rejoindre mes appartements, une petite chambre où j’ai le luxe d’avoir de l’eau courante, de l’électricité et des toilettes.

(à propos de l’électricité, la distribution est très archaïque dans l’ensemble du pays et même à la capitale, il est rare d’avoir de l’électricité après 20h ; mais ici, le CFR (Centre de Formation Rural, le lieu de mon stage), se trouve sur le réseau qui alimente la résidence secondaire du président,  et ne souffre par conséquent d’aucun (ou presque) trouble d’alimentation ; « c’est comme ça que cela marche ici » a conclu sarcastiquement le Frère P.. Ces problèmes d’alimentation électrique ne surviennent pas (ou moins) en saison des pluies car les sources d’alimentation sont essentiellement des barrages).

 

29.07.2014 Premiers papillons

 

La réunion avec les membres des associations a commencé à 8h et s’est terminée à 16h, le repas du midi fut la seule pause. Le frère T. présidait et les 5 membres présents des bureaux, ne comprenant que peu le français, et malgré les traductions de T., affichaient une passivité décourageante concernant ce projet censé les aider, financé par les Pays de la Loire. Cette étonnante moue érodait au fil des heures la patience et la motivation d’A. qui me lançait des regards fatigués et implorants. Doucement mais sûrement, l’ordre du jour a été presque entièrement passé en revue, A. me chargeant cependant d’effectuer l’analyse sanitaire de l’atelier afin de formuler pour le lendemain midi des propositions précises pour améliorer l’hygiène de la transformation et envisager à long terme une meilleure stabilité des produits.

Je décide, A. étant partie, de profiter de cette fin d’après-midi pour me promener un peu dans la campagne environnante. Mais frère P., me voyant partir, à tout de suite voulu trouver quelqu’un pour m’accompagner, en déclinant sa proposition je n’ai su dire si son visage exprimait de la déception ou une petite inquiétude à me savoir tout seul hors des enceintes du CFR. Au vu de cette ambigüité, je ne me suis pas éloigné de plus de 200m des murs rouge brique du Centre mais cette escapade a suffi pour enflammer ma nature d’entomologiste ne croisant pourtant qu’une coccinelle (mais quelle coccinelle !!), deux papillons Satyrinae (le revers de l’un deux évoque une nuit étoilée au-dessus de silhouettes de crêtes rocheuse dessinée par les dernières lueurs d’un coucher de soleil) et un Nymphalinae aux ailes de jais marquée par une immense ocelle d’un bleu violacé que je n’arrive pas à décrire sur l’endroit de l’aile postérieure (Junonia oenone).

 

 

30/31/01.07.08.2014 Et la routine…

J’ai visité le 30, l’atelier de transformation et suivi les étapes de transformation du lait de soja et des croquettes de soja et ai rédigé avec enthousiasme le rapport sur les recommandations en mesure d’hygiène, il s’avère que hormis l’infrastructure qui est peu appropriée à la transformation alimentaire, les opérateurs arrivent à manipuler et transformer les produits de façon la plus hygiénique possible avec les moyens du bord. Puis je me suis mis à étudier la transformation du lait et voir s’il y avait des améliorations à faire, mais travaillant sur PC, je suis enfermé dans ma chambre la plupart du temps et ma motivation s’est un peu effilochée en deux jours malgré les quelques excursions en pleine nature qui me permettent de me délecter de la faune locale.

 

Heureusement il y a le frère P., sympathique, infiniment serviable et dynamique, une véritable puce ! Nous sommes tous les deux aller faire un footing dans la vallée, jusqu’à atteindre une des sources du Nil (déjà bien large ici, environ 10m) puis sommes revenus en marchant, partageant nos différences culturelles. Je lui ai aussi demandé de m’enseigner le Kirundi, car j’ai beaucoup de mal à assumer ses regards intrigués, méprisants, apeurés, curieux, sondeurs, soumis de chaque personne que je croise, à être tous simplement l’étranger et souhaite au plus vite me défaire de cette image qu’ils ont du blanc supérieur et riche.

 

Quelques mots en Kirundi suffisent à les faire rire, à détendre l’atmosphère. A l’heure actuelle je maîtrise déjà la conjugaison du présent, certains accords noms/adjectifs qui ne sont vraiment pas évidents et apprends des formules toutes faites de politesse ou essentielles pour subvenir aux besoins vitaux (j’ai faim : Ndashoje, j’ai soif : Ndanyotewe...). Certains mots viennent étonnement de l’espagnol, « imeza » pour la table ou « isucari » pour le sucre, certains de l’anglais « iglas » pour un verre ou « ikoti » pour le manteau, d’autre de l’arabe « icawa » pour le café et beaucoup sont semblables au français « ivoca » pour l’avocat, « inanas » pour l’ananas, etc. Mes progrès sont rapides et un des frères m’a dit que des enfants du village lui ont déjà parlé d’un umuzungu qui parlait Kirundi.

 

 

La solitude est l’une des choses que je craignais et je la ressens déjà un peu ; dans le sens où il est difficile de s’intégrer, seul, dans une société qui n’a pas les mêmes codes, les mêmes références, la même philosophie de vie, le même rapport au travail, au partage des connaissances, etc. De plus, ma mission est étrange, on ne me donne strictement rien à faire, je crois qu’il va falloir que je fixe moi-même mes objectifs, que je fasse un peu du « rentre dedans » parmi les opérateurs pour pouvoir commencer à « avancer », mais le fait que ceux-ci ne parlent que quelques mots de français, rend tout difficile… Ils sont de plus en sureffectifs par rapport au travail effectué, je ne peux donc que rarement mettre les mains à la pâte…  Et à chaque fois que je demande si je peux aider à quoique ce soit sur le centre, les réponses sont toujours évasives et imprécises ou il n’y a tout simplement pas de réponse : soit il n’est pas dans la culture de donner du travail à un autre, soit il existe un blocage sur le fait que je sois blanc (refus de m’intégrer ou peur de superviser un musungu) mais je pencherai plus vers la première hypothèse au vu du fonctionnement assez anarchique du centre pourtant très occidentalisé dans sa gestion (comptable, commerciale etc.).

 

Des « tans » à Bujumbura, de quoi étonner un Nantais. Le Roi Lion, un conte en Swahéli.

Les petits bus de villes, notamment à Bujumbura, sont appelés Tanu-Tanu, mais le « u » est presque muet, ce qui nous fait « tan-tan »… hasard ou coïncidence ? Etymologiquement, « tanu » est le chiffre 5 en swahéli (langue partagée par le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie, des régions du Burundi, du Congo…), car le prix de ces bus était justement de 5Fbu (soit 0.0025€). A propos du swahéli, qui est la troisième langue parlée au Burundi, après le Kirundi et le français, il est amusant de savoir que nombreux des noms de personnages du Roi-Lion viennent de cette langue : « Simba » signifie « Lion »,  « Mufassa » : « ami », « hakuna matata » : « il n’y a pas de problème »… Et le plus amusant des mots swahéli rencontrés est bienvenu qui se dit « Karibu (u->ou) » !

Suite du Voyage (Seconde Partie)

Partager cet article

Repost0
20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 18:44

 

CINQUIEME PARTIE : LES BETES DE LA MAISON.

Bon, j’ai vraiment mis la pédale douce sur la rédaction de mes articles en ce moment… l’envie y était mais le temps, les amis, le boulot (en vrais, j’ai rien à faire^^) ; l’important c’est que je m’y remette, non ? Je casse un peu le système chronologique pour faire une pause dans la « narration » de mon voyage.

            Dans les rares moments où nous ne sommes pas partis en cavale, la maison est notre refuge. Comme en France (enfin la métropole), une faune bien particulière y a élu domicile, c’est quand je lâche un peu l’ordinateur et les consoles que je me mets à observer notre nid douillet de plus près (il y a quand même des trucs qui ne se loupent pas).

Pas besoin de faire le ménage en Guyane ! Un petit insecte s’en occupe très bien à notre place, un bout de chocolat tombé par terre, une heure plus tard il n’y aura plus rien, un croissant laissé sur le buffet pour la nuit, il aura disparu le lendemain matin, du sucre renversé, en quelques minutes les grains ne seront plus que souvenir. Mais qui est donc ce rapace, ce voleur, ce balai à nourriture ? J’ai l’honneur de vous présenter les fourmis sucre (Tapinoma melanocephala)! Elles font à peine un millimètre mais sont en un nombre extrêmement élevé dans chaque habitation : fourmis rouges, amatrices de tous les sucres et de toutes les graisses, elles se jettent sur le moindre bout de nourriture laissé à l’abandon. N’est-ce pas super ? Mieux que les robots de nettoyage dans les films de SF, quoi rêver de mieux que de ne jamais faire le ménage ? Alors miracle ou fléau ? Fléau !! Toutes les boîtes de cacao, de sucre, de pain, de confiture, de lait, de miel, de céréales sont prises d’assaut, il faut tout enfermer soigneusement et rigoureusement et mettre au frigo, sans quoi ce serait vite la famine. J’avais une fois laissé un fond  de chocolat chaud pour me faire un brin de toilette, je reviens un quart d’heure plus tard pour déguster le fond du bol (c’est mon moment préféré, quand il reste que le chocolat fondu au fond avec plein de sucre, que c’est encore tiède et que sa glisse au fond de la gorge, mmmh…) Mais il reste RIEN dans mon bol !! Qui l’a bu ? mais qui l’a bu mon chocolat ? Mon frère ? mon pote ? le frère de mon pote ? le petit dernier de la famille ? le papa ? Non ? Les FOURMIS !!

Continuons à parler de fléau : les papillons (chefs d’œuvre de la nature), c’est ma raison de vivre, leur beauté n’a pas d’égal, même les plus ternes des noctuelles ont du charme, enfin bon, j’aime c’te bête ! Un soir de dîner à la chandelle, un plus grand nombre de papillons tourne autour des lumières, tous les mêmes. J’en capture un à main nue, il n’est pas magnifique mais ses formes sont intéressantes, je le relâche… mes hôtes rient sous cape. Qu’avais-je fais ? Ils sont pourtant habitués à ma maladie d’attraper tous ce qui vole… Ma main commence à me démanger, je me gratte, ça pique, ma paume est toutes rouge (c’est bizarre), je n’ai pourtant pas été piqué, ni touché de plantes louches dans la journée… le papillon ? En effet, les poils du derrière de cette créature du diable sont urticants ! Ils sont de plus en plus nombreux et ils s’excitent autour des lumières. Le phénomène est déjà connu dans la famille : des mesures sont prises ; toutes les ampoules sont remplacées par des lumières plus ternes et rouges, cette couleur n’attire plus les assaillants.

Lors de cette mésaventure, nous avons pu observer la très longue approche d’un gecko, petit reptile ressemblant à quelque chose près à un lézard, dont la proie était le papillon nuisible, si l’on n’y prêtait pas attention, on l’aurait cru immobile mais en le regardant bien, on voyait ses petites pattes à ventouses se lever et se baisser très lentement ; en un quart d’heure, il n’avait fais qu’une dizaine de centimètres et le papillon était à encore une quinzaine de cm de lui. Et finalement, conclusion très décevante, l’insecte s’est envolé laissant le pauvre reptile le ventre vide…

Le jardin ! Ah, le jardin, petite parcelle de terre face à la mer, je l’aime bien, il y a des cocotiers, des bananiers, et plein d’autres palmiers aux grandes feuilles et des petits buissons aux petites fleurs. Tous les matins (ou presque) je faisais mon petit tour pour voir s’il n’y avait pas quelques petites bêtes comme je les aime, je n’ai malheureusement pas vu grand-chose : quelques papillons, des colibris et puis basta.

 

 

Anartia jatrocheae

 

La grosse flemme de le déterminer, vous m’excuserez j’espère. Il ressemble à un de chez nous en tous cas.

 

Le jardin, c’est aussi un peu le garde-manger, comme sûrement chez quelques uns, on y va pour piquer des fraises, des framboises, des mûres, ou un brugnon… et bien c’est exactement pareil ici, sauf que, ce ne sont plus des petites baies mais carrément des bananes, rouge dans notre cas, c’est une espèce de petites bananes qui ne sont pas jaunes mais orangées, très sucrées (délicieux), ou alors des mangues ou de la noix de coco… Dans le jardin, il y a aussi le rafraichissement ; le tout, c’est de trouver la bonne grosse noix de coco dans un palmier, ou alors d’en ramasser une (non brisée) sur le sol (c’est plutôt rare), donc on grimpe au palmier, plus facile à dire qu’à faire, on y a même renoncé d’ailleurs et on a fait tomber les noix avec un bâton. Voila ! C’est une bonne grosse boule verte que j’ai dans les mains, maintenant il suffit d’extraire le jus dont elle est remplie, le fameux lait de coco ; la méthode traditionnelle, c’est de couper la noix dans la longueur pour retirer la fibre végétale qui entoure la véritable noix (que l’on voit dans notre commerce) et de retirer un petit couvercle, on pose un verre sur le trou puis on retourne l’ensemble : le jus va être transvasé dans le verre et on peut enfin déguster ! Cette boisson est très désaltérante et j’adore son goût (miam miam) mais la méthode de récolte est trop laborieuse pour nous, notre petit truc c’est de prendre un tournevis, de percer un trou dans la coque puis d’introduire une paille et de siroter tranquillement le lait végétal. J’ai appris qu’il existait une sorte de noix de coco appelée « coco champagne » dont le lait est pétillant, je n’ai pas eu l’occasion d’y gouter…

 

 

 

Il y a aussi le petit bricolage maison… on s’était mis en tête de faire un cadeau de nos mains aux parents restés de l’autre coté de l’Atlantique; j’avais déjà repéré des bambous d’une effarante largeur ça et là pendant nos balades, nous en avons alors pris quelques uns au Mont Rorota (je raconterai sûrement plus tard cette randonné) et ni une ni deux, armés de scie, de couteau et de machettes, nous nous sommes mis au boulot : notre projet, de grand ramequins à gâteaux apéro !

Hé bien ?! C’est pas si terrible que ça ? Ca remplit très bien ça fonction première et l’avantage, c’est qu’il faut beaucoup de cacahouètes pour le remplir^^ et en plus, avec une bonne bouteille de rhum à côté, on se retrouve automatiquement dans le climat guyanais à chaque apéro.

 

Bon… je ne vais pas vous parler des tiques, des moustiques, des puces, et de plein d’autres nuisibles qui piquent et qui sucent le sang, qui même, parfois, pondent sous votre peau et vous insufflent, en plus de leurs larves, des maladies terribles telles la fièvre jaune, le palu… Mais nous sommes vaccinés avant de décoller, donc tous va bien !

Pour finir, j’ai juste envie de vous faire baver, je vous mets la vue que j’avais tous les matins en me levant.

 

Et ma chambre:

 

        

 

 

                                                                                                  SUITE DU VOYAGE

Partager cet article

Repost0
20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 18:44

TROISIEME PARTIE : LES ÎLES DU SALUT.

                Je vais consacrer cette partie à un seul jour et à un seul endroit, ô combien extraordinaire et magique, aujourd’hui paradis sur terre et zone militaire, hier enfer des damnés. Il n’y  a pas que des palmiers et des papillons, mais aussi de hauts murs de pierre et de grandes charpentes en fer rouge. Il s’agit bien évidement de l’archipel des trois célèbres îles : l’Île St Joseph, l’Île Royale et l’Île du diable appelées les Îles du Salut !

            C’est par une matinée ensoleillée que nous embarquons, les yeux encore pleins de sommeil, sur le catamaran La Hulotte, tenu par un joyeux homme rondouillard amateur du p’tit ponch. La mer en très calme et le vend souffle bien, nous optons pour une bronzette matinale sur le pont avant d’attaquer une grosse journée, certains y finissent par la même occasion une courte nuit.

 

 

Au bout de trois bons quarts d’heure nous commençons à distinguer des morceaux de terre entre le ciel bleu et la mer turquoise, nous le savons déjà, il s’agit des trois Îles du Salut, célèbres pour leurs bagnes où ont séjourné nombre de prisonniers politiques, malfrats, assassins et déserteurs… Il nous faut à peine dix minutes pour arriver à terre : le spectacle est à couper le souffle, partout, d’immenses palmiers recouvrent la terre rocailleuse qui monte en dôme vers le bagne de l’Île de St Joseph, les douces vagues s’éclatent contre les rochers de la côte et le soleil tombe sur une mer turquoise (décrit comme ça on pourrait avoir une sensation de fraicheur mais on crevait réellement de chaud). Nous préférons nager vers la côte plutôt que prendre le canot, petite baignade avant de nous lancer dans l’ascension de l’île, mais la mer était si chaude qu’elle ne nous a que peu rafraîchis.

 

Nous mettons pied à terre, nous nous séchons puis allons nous rhabiller mais nous avons malencontreusement oublié toutes nos affaires dans le bateau… C’est donc en maillot de bain et sandalettes que nous commençons notre visite de St Joseph, la flore ne se réduit qu’à des palmiers qui j’apprends ont poussé en une vingtaine d’année, autrement dit, que cette île était nue à l’époque des bagnards, un froid rocher sur l’océan. Le chemin tourne en rond autour de l’île en montant progressivement, de ce fait la balade n’est pas si sportive, n’empêchant pas qu’au bout d’une demi-heure de marche, nous nous jetons à l’eau et jouons avec les vagues pendant plusieurs heures dans une crique paradisiaque, puis tentons d’escalader les palmiers:  sans grande réussite…

            La pause finie, nous continuons notre ascension vers le bagne. Nous passons devant un cimetière, encastré entre la mer et les palmiers, nous avons immédiatement le droit à notre petit cours d’histoire : ici, ne sont pas enterrés les bagnards, bien sur que non, ce serait trop beau mais les gardiens, membres des familles de gardiens, cuisiniers… Les forçats, eux dorment avec les poissons, souvent dévorés en peu de temps car la zone était infestée de requins, attirés par la chaire abondante jetée à la mer et parfois qui venait toute seule à la mer… On comprend que peu on réussit à s’échapper et encore moins à atteindre la côte vivants.

 

 

 

 

Un peu plus loin sur le chemin nous trouvons une sorte de petite crique de pierre, nous apprenons qu’il sagissait de la baignoire des prisonniers qui étaient pour la plupart blessés ou meurtris après avoir fabriqueé le chemin sur lequel nous marchons, le contact du sel n’est alors pas des meilleurs, en petite dose désinfectant mais par abus, on obtient l’effet inverse : la mort par infection était des plus courante.

 

            Il ne nous restait plus que quelques centaines de mètres avant d’entrer dans les ruines du bagne quand un immense panneau aux lettres rouges et grasses se pointe dans notre champ de vision :  « accès interdit, risque de chute de pierre » !! Indication nouvelle depuis la dernière visite de nos hôtes et guides, nous étions tout de même venus pour voir ces cailloux. Après mûres réflections, nous optons pour le fait que nous n’étions pas français et par conséquent que nous ne savions pas lire…mais « chut » !

            Nous arrivons enfin aux ruines qui ne sont que murs de deux mètres, couloirs étriqués et cellules minuscules. La végétation a entièrement repris ses droits et des arbres n’hésitent pas à s’installer dans ces lieux, poussant entre, sous ou même sur les murs !

 

 

Qui a dit que les arbres ne savaient pas marcher ? Tel Sylve barbe, les palétuviers avancent de 10m par ans, en projetant leurs racines vers l’avant et en faisant mourir celles de derrière. Ils sont les maîtres de la colonisation et on réussit à envahir l’ancien port de Cayenne ! Ce sont eux qui façonnent les plages et les côtes et forment les mangroves.

Leurs graines ont une forme de torpille qui se fichent dans la vase en ce décrochant de leur branche, atteignant une couche de terre plus fertile et moins salée.

Ils sont l’abri d’une faune d’une incroyable diversité ; les racines hébergent les poissons, leurs branches : des oiseaux, leurs feuilles ; des insectes et leurs forêts de mammifères.

 

Nous déambulons dans les vestiges jusqu’à arriver à une immense salle (sûrement une cellule commune) dont la charpente en fer tenait encore entre les murs, c’est la pièce la  plus étonnante de ces ruines. On se croirait presque dans une gare!

 

C’est  à ce moment que j’ai remarqué une anomalie dans le paysage : le sol semblait se mouvoir, je me suis rapproché et j’ai vu qu’en fait, c’étaient des feuilles qui bougeaient, découpées en petits triangle de un ou deux centimètres. Et elles avançaient en file indienne passant à travers la pièce pour disparaitre dans une fissure de mur ; de plus en plus intrigué, je colle mon nez au sol pour voir, qu’en fait, il s’agissait de petites fourmis qui transportait les morceaux de végétal et qui les emmenaient je ne sais où. Elles se nomment les fourmis manioc, se sont de minuscules fourmis rouges qui fabriquent leur nid  avec des végétaux en décomposition, mais elles ne ramassent pas les feuilles au sol ; elles les découpent directement dans les arbres (souvent fruitiers), une colonie est capable d’en disséquer un en moins d’une nuit, imaginez donc quel fléau cette espèce représente pour la Guyane! Ceci dit, leurs longues processions de feuilles vertes ne manquent pas de charme.

 

 

Après avoir tourné dans plusieurs cellules et couloirs, nous redescendons vers le quai. Arrivés en bas, nous piquons une tête dans la mer turquoise pour aller sur le bateau ; nous ne manquons pas de faire plusieurs plongeons depuis le bastingage avant de siroter un bon planteur (boisson du coin composé de rhum et de jus de fruit) en compagnie du capitaine. Le bateau se met en mouvement cap vers l’Île Royale. Nous faisons le tour de l’île St Joseph en ne manquons pas d’admirer l’Île du Diable ; la plus célèbre des trois îles ; elle est inaccessible et le seul moyen d’accès est un téléphérique installé sur l’Îles Royale (hors d’état actuellement) ; sur cette petite île rocailleuse, nous apercevons une petite cabane de bois et apprenons que c’est ici que Dreyfus avait séjourné plusieurs mois (la distance était trop grande pour pouvoir la prendre nettement en photo).

            Nous accostons sur l’Île Royale, la plus grande île de l’archipel et y partons pour y passer l’après-midi. L’île est au premier abord, bien plus aménagée que l’île St Joseph, la zone de débarquement est bien plus grande, des bâtiments de pierre à fonction militaire borde le quai. Une grande voie de pierre monte en ligne droite entre les palmiers, le chemin est vraiment magnifique et totalement ombragé mais nous ne nous attaquons pas tous de suite à la montée qui nous attend ; nos estomacs crient famine et le poids des sandwichs dans le dos nous oblige à trouver un joli et confortable coin à l’ombre sur des rochers, face à la mer (s’asseoir sur de l’herbe ou sur de la terre revient à se faire manger le postérieur par les fourmis rouges).

                        Après cette longue pause, nous attaquons la montée de l’île, beaucoup plus raide que la précédente qui commence par un charmant petit chemin de pierre qui traverse les palmiers.

 

 

En haut de l’île, se trouve un hôtel et restaurant aussi un rafraîchissement est la récompense de notre ascension douloureuse. Le chemin est d’abord large et monte que légèrement, tout droit vers le centre, mais au bout de quelques centaines de mètres la route devient sentier escarpé qui monte, qui monte et bientôt cela devient une vraie escalade dans la roche, nos pied roulent sous les pierres et les noix de coco qui dévalent le chemin en secouant leur jus blanc et laiteux. Nous arrivons à un dernier bloc rocheux qu’il nous faut contourner pour attendre le sommet dont nous n’apercevons absolument rien. Dans une grosse fissure de la roche se cache une vierge derrière des barreaux, symbole que la fois chrétienne s’est implantée dans ses îles et en Guyane mais elle n’a pas annihilé les autres religions, comme c’est souvent le cas.

            Nous arrivons enfin en haut ! Un plateau de verdure s’étend devant nous, avec de grandes pelouses et des potagers  exotiques, une grande baraque se plante devant nous, il s’agit du derrière de l’hôtel. Une poule vient me courir entre les jambes et s’en va rejoindre ses congénères dans une basse-cour ; intrigué et curieux, nous nous approchons en espérant voir quelques animaux qui sont pas de chez nous. C’est qu’alors, un de mes amis me tape sur l’épaule et pointe son doigt vers un buisson, « un agoutis »  me dit-il. Mais qu’est-ce que c’est que cette bête là? Je ne cherche pas la réponse plus longtemps et me dirige vers l’endroit indiqué quand je vois une touffe de fourrure détaler en sautillant puis s’arrêter un peu plus loin. La bestiole est vraiment amusante et curieuse à la fois, ça ne ressemble à rien de chez nous et ce n’est pas assez extraordinaire pour que France 5 fasse un documentaire dessus, donc, résultat, on n’a jamais vu cette chose où que ce soit ! Cela ressemble à un croisement entre le ragondin, le lapin, l’écureuil et d’autre… L’animal possède des pattes arrière très développées, lui permettant de bondir comme un lapin, bien que ce soit plus gros qu’un lièvre, il à une petite tête de rongeur fouineur mais très mignon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces bestioles ont élu domicile sur l’île depuis un demi-siècle environ et depuis elles pullulent et sont devenues de moins en moins farouches mais cela ne veut pas dire qu’elles mangent dans la main des hommes bien que ceci les nourrisse plus qu’il ne faut, ils sont en centaines sur le plateau et il est impossible de les louper, ils sont devenus aussi courants, voir plus que les mésanges chez nous.

Des cages et des cabanes en bois nous attirent, il y des faisans, des poulets, des cailles et d’autre volailles… mais un peu plus loin, sous et sur un toit s’inclinant dangereusement, trois aras prennent la pose et se font admirés des touristes montrant leur beaux plumages aux couleurs chatoyantes, rouge vif, bleu azur, vert feuille, jaune rayonnant. Plus loin, un magnifique toucan aux yeux tristes est enfermé dans une étroite cage de fer.

 

 

Notre petite visite zoologique finie, nous prenons le chemin du restaurant, une fois rentré dans le spacieux bâtiment, nous trouvons une place ombragée sur la terrasse dominant les trois îles. La vu y est splendide, on se croirait dans une carte postale : thé glacé à la main, horizon azur, palmiers touffus, le postérieur sur une chaise fraiche après une ascension sportive : le bonheur c’est aussi simple que cela. Pendant cette longue pause, notre très cher guide, nous lance le défi d’attraper un agouti, nous, fier français que nous sommes, relevons la tête et acceptons, le regard scintillant…

La chasse commence dès la sortie de l’auberge, la créature poilu nous attend, assise avec indifférence sur la pelouse jaunis et odorante. Sans élaboré nul stratégie, nous nous ruons sur la créature qui à vite fais de nous filer entre les doigts et comme un éclaire va se réfugier dans un buisson inextricable. Un cuisant échec, certes! Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot, nous mettons en place une ruse de sioux et tendons une embuscade tandis que d’autre rameutent les peluches vers nous, le cercle se referme, la bête est cernée, dos contre le mur, cinq humain devant elle, elle tremble, trépigne, s’immobilise, puis panique et disparait dans un trou de ras entre terre et pierre… Tentative vaine, le poids de l’humidité guyanaise commence à nous peser sur le dos, nos T-shirt se collent à notre peau, nous reprenons notre souffle quand trois agoutis se pointe à quelques mètres de nous, ni une ni deux nous fonçons, prenons chacun une bête en chasse, la mienne est coriace mais perd du terrain, je traverse des rue, des ruelles, des jardins abandonnés et dans le feu de l’action, rentre dans un jardin privé, l’agouti nous fais un magnifique quart de tour sur un mur et s’enfuit en courant à la verticale sur l’obstacle de pierre. Je me réveille de cette transe, la transe de la traque et observe ce qu’il y a autour de moi, sans le remarquer, je suis rentré dans un  véritable village, les maisons ont en terre jaunis ou en briques peintes de couleur rouge délavé, donnant presque des teintes rosées et pâlichonnes. La population est cloitrée chez elle à cette heure là, la plus chaude de la journée, il faut dire que le soleil tapait bien à 40° ! Le village est organisé en rue parallèles, les maisons sont petites mais très espacés les une des autres ; il n’y a nulle part du bitume, le sol est fais de terre battue soulevant d’ailleurs de grandes quantités de poussières. Au centre, se dresse une petite église, construite par les bagnards, malgré la puissante lumière du soleil, il y fait très sombre à l’intérieur et les fresques sont rongées par l’humidité ; apparemment les saints honorés ici sont St Joseph (d’où le nom de l’île) et St Pierre.

 

 

Autour de l’édifice religieux, il devait y avoir autrefois un jardin, mais la nature à vite repris ses droits, des palmiers et multiple cactus on poussés de façon anarchique. C’est ici que je retrouve mes camarades, nous décidons de continuer notre tour du plateau de l’île ; nos pas nous mènent à une sorte de grand piscine en pierre asséchée (j’en ai oublié la fonction), elle devait bien faire 20 mètres sur 25 et une profondeur de trois-quatre mètres avec une remonté dans un des coins, le fond de la cuve est plein d’eau recouverte d’une multitude de nénuphars sur lesquels bronzes de très verts iguanes. En faisant le tour, une pancarte aux lettres rouge nous surprend et nous choc au plus haut point : « ATTENTION CAIMANS » y est-il écrit, de quoi rendre l’endroit pas très rassurant aux heures sombres.

 

 

Les températures commencent à descendre doucement, la journée touche à sa fin, avant de repartir, nous nous ouvrons difficilement une noix de coco et dégustons sa chaire blanche et buvons son lait frais. Nous réembarquons sur le catamaran, le capitaine nous demande de lever la voile et nous y arrivons au bout d’un certain temps, mais pas sans l’aide d’un matelot qui a eut pitié de nous. La mer était légèrement houleuse sur le retour, et certains ce sont sentit l’estomac capricieux, c’est les cheveux dans le vent maritime du soir, que nous retournons sur le planché des vaches, après avoir découvert tous un monde en une journée… mais quelle journée!

 

 

 

                                                                                              L'Aroundel                 



      <= relire partie 3                                                                              lire la suite du voyage (partie 5) =>
      <= retour à voyage   
                                                

 

Partager cet article

Repost0
20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 18:43

TROISIEME PARTIE : Le mont Bourda. Et la rencontre avec un monstre des mers.

    Le lendemain nous partîmes pour une petite balade bien sportive dans un mont Guyanais : le mont Bourda. Les dénivelés et la chaleur nous ont fais suer comme pas possible. Le mont Bourda est réputé pour la diversité des arbres sur son dôme, ils ont tous des formes et des tailles impressionnantes, des racines parsemées d’épines acérées, des fruits gros comme des boulets de canon, des couleurs d’écorce et de bois étonnantes. Je n’ai malheureusement retenu aucun nom mais les images parlent d’elles mêmes.


 

Sur le chemin terreux du mont, nous avons vu une énorme épeire ainsi qu’une fourmi de 3cm qui courait sur la piste. Je n’ai vu aucun autre animal cette foi- là mais j’ai toutefois remarqué les innombrables termitières arboricoles qui se fixaient aux arbres comme d’immenses nids de guêpes.

Le mont donnait sur la mer et de cette hauteur, on pouvait facilement voir les différentes couleurs de l'eau qui passait du marron au turquoise selon les courants et la boue tractée par les fleuves.


 

Après cette superbe balade, la douche s’est imposée en rentrant ; il faut dire que nous dégoulinions…

mais nous n’étions pas encore au bout de nos surprises car la journée n’était pas encore finie.

 

 

 

Mes découvertes de cette nuit là sont encore plus impressionnantes que les précédentes: les amis chez qui je loge nous disent que la nuit était propice pour voir des tortues luths, qui venaient pondre sur la plage. Donc nous partons de nuit avec de petites lampes, savates aux pieds. La marée était haute et il pleuvait un peu mais l'air demeurait chargé. Nous marchons sur la plage, sillonnant le sable de nos faisceaux lumineux. Dans mon esprit, je m’attendais à voir des tortues de 50cm de long comme on a l'habitude de voir dans les docs TV ou autre, ainsi je regarde précisément chaque parcelle de la plage, essayant de percer le noir et d’apercevoir une carapace mouillée sur le sable. Mon regard passe sur une chose monstrueuse encastrée dans la dune, comme un rocher lisse et régulier, je ne m’arrête même pas mais au bout de quelques mètres je me rappelle qu’il n’y avait aucun rocher sur cette plage et je fais demi-tour. Je vois alors la bête dans sa plénitude, j’en reste scotché, me frottant les yeux et me pinçant : 2m de long et environ une 60ène de cm de haut, des pattes-nageoires creusant violemment le sable, le projetant à 3 mètres avec une force monstrueuse.

Ce mastodonte femelle était en train de creuser le sable avec ses pattes arrière afin d'y déposer ses œufs. Inlassablement, elle expulsait le sable lentement puis finit par s'arrêter et après un grand râle digne d'un dragon marin et avec une régularité d’horloge, se mit à pondre ses œufs, de tailles inégales, ronds comme des balles de ping-pong et flasques comme un œuf dur sans coquille qui tombaient dans le trou. Il devait y en avoir une centaine! Après cette ponte, la tortue tenta de s’extirper de l'endroit dans lequel elle s’était installée en rebouchant minutieusement  le trou; la bête peinait pour se déplacer et rejoindre la mer, sa masse pouvait atteindre plus de 1 tonne, la nôtre devait faire 800kg. Nous n'avons pas eu le courage d'attendre qu'elle rejoigne la mer. Il faut savoir que parfois elles font des leurres pour piéger les prédateurs en creusant des trous vides ou en y déposant de faux œufs qui n'écloront jamais. Cette rencontre est tellement impressionnante que je n'y crois toujours pas, j'ai l'impression d'être dans une BD de SF parcourue de créatures préhistoriques. Il y avait environ neuf tortues sur la plage, c’était paraît-il, inimaginable et rarissime. Nous pûmes en voir une de jour le lendemain matin, elle se laissait gentiment photographier par les touristes qui à mon étonnement étaient très respectueux envers l’animal, soucieux de son bien être et personne n’est venu la toucher.






                   l'Aroundel





<= relire la partie 2                                                                                               lire la suite du voyage (partie 4) =>
<= retour à voyage

 

Partager cet article

Repost0
Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -